« Leur but est de nous faire taire » : menacé de mort sur les réseaux sociaux, le radiologue Franck Clarot raconte

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Publié le 06/12/2022

Crédit photo : DR

Menaces de mort, photo de guillotine émaillée de l'avertissement « elle sera pour toi » et flot d’insultes : samedi et dimanche dernier, le Dr Franck Clarot – alias « Le Doc » sur Twitter – a reçu des centaines de tweets plus violents les uns des autres. Un raid numérique qui trouve sa source dans des échanges autour de la pénurie d'amoxicilline entre le radiologue de Rouen aux 77 000 abonnés et l'actrice Béatrice Rosen. Parmi les 80 000 abonnés de la chroniqueuse de l’émission de Cyril Hanouna, beaucoup de comptes et groupes d'influence relayant des désinformations sur le Covid, et responsables d'un harcèlement massif à l’encontre du Dr Clarot.

Soutenu par l’UFML – qui dénonce une « parole médicale muselée » et « des médecins menacés » – le Dr Franck Clarot raconte au « Quotidien » la chasse en meute dont il a été victime, et la difficile présence des médecins sur les réseaux sociaux à l’ère Covid. « Je vais continuer à essayer de faire passer des messages de santé. Nous n’allons pas nous taire », confie-t-il. 

LE QUOTIDIEN : Durant deux jours, vous avez été victime d’un harcèlement de masse, à la suite d'une série de tweets de la part de Béatrice Rosen. Que s’est-il passé ?

Dr FRANCK CLAROT : J’ai subi des centaines de tweets, ça s’est emballé sans qu’à aucun moment elle n’essaye de freiner ou de désamorcer la situation. J’ai reçu des menaces de mort, avec des photos de guillotine à plusieurs reprises et une flopée d’insultes. La teneur des messages est toujours la même, provenant des communautés anti-masques, anti-passe sanitaire, celles qui soutiennent l’IHU et qui partagent des idées communes.

Je ne suis pas le premier et je ne serai pas le dernier. Nous sommes une dizaine de médecins sur Twitter – comme Jérôme Marty ou Mathias Wargon – à se faire sérieusement attaquer, toujours par les mêmes groupes de désinformation. Ces groupes forment une communauté qui souffre peut-être un peu en ce moment, car beaucoup de décisions ordinales tombent, ainsi que des enquêtes dans la presse. Ils sont un peu énervés je pense !

Depuis le début de la pandémie, ces raids sont-ils plus fréquents ? Quel a été le point de bascule ?

Je suis sur Twitter depuis 2016 et je pense que le premier point de bascule a été la polémique autour de l’hydroxychloroquine, entre les "pour" et les "antis". Puis, en second lieu, le masque et le passe sanitaire ont fait basculer un certain nombre de personnes du côté obscur des réseaux sociaux. Enfin, la politisation de ces sujets a très nettement attisé les esprits, notamment l’extrême-droite qui a récupéré ces thématiques pour en faire des mantras. D'ailleurs, l’une des personnes qui m’a menacé de guillotine avant-hier était une ancienne candidate de « Debout la France » aux législatives…

Leur but est de nous faire taire. Et ce genre d’attitude rend malheureusement diffus les messages de santé publique que nous essayons de faire passer. C’est de plus en plus difficile car beaucoup de médecins n’osent plus, s’autocensurent par peur des raids numériques. On ne peut plus continuer comme ça. 

Comptez-vous porter plainte pour ces menaces ?

Oui, une plainte est en cours. À chaque fois que l’on me menacera de mort, je porterai plainte. Je le fais pour moi mais aussi pour toutes les autres personnes qui ne portent pas plainte. Il existe un parquet spécialité dans le cyberharcèlement à Paris, donc il ne faut pas hésiter ! Il y a un an, quelqu’un a créé un compte uniquement pour me menacer de mort. J’avais déposé plainte, le parquet avance mais le temps judiciaire n’est pas le temps des réseaux sociaux.

Le cyberharcèlement – mêlé de désinformation scientifique – explose. Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?

Nous les interpellons depuis longtemps mais ils se sont rarement prononcés de façon claire et affirmée sur le sujet. Je trouve le ministère de l’Intérieur bien silencieux. Je ne comprends pas cette forme de frilosité, car la sacro-sainte liberté d’expression ne veut pas dire liberté de désinformation. Aussi, les réseaux sociaux ne modèrent pas toujours correctement. Par exemple, avec l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter, le motif de signalement pour désinformation Covid a été supprimé aux États-Unis, il n'existait pas en France.

Malgré cela, il n’est pas question que j’arrête d'écrire. Je vais continuer à essayer de faire passer des messages de santé. Nous n’allons pas nous taire.


Source : lequotidiendumedecin.fr