« C’est un moment historique pour la santé, que j’oserai même comparer à l’avènement de la vaccination ». En visite début novembre au Centre hospitalier d’Avignon, François Braun ne tarit pas d’éloges sur les progrès du numérique en santé : le ministre présentait le bilan de Mon Espace santé, nouvelle mouture du DMP, enrichie d'un agenda de santé, d'une messagerie sécurisée et d'un catalogue d'applications référencées par la puissance publique.
Lancé il y a plus de dix mois pour faire table rase des « affres du DMP », selon les mots du ministre, Mon Espace santé est désormais actif dans presque tous les foyers français. « 65 millions de carnets numériques sont ouverts et opérationnels », se félicite l’urgentiste. Un succès que le ministère et l’Assurance-maladie attribuent à leur changement de braquet stratégique baptisé « opt-out ». En clair, le dossier médical est désormais créé automatiquement pour tous les assurés, sauf opposition explicite.
2 % de refus
Par mail ou par courrier, depuis janvier dernier, « nous avons contacté 69 millions d’assurés et moins de 2 % se sont opposés à la création de Mon Espace santé », s’enthousiasme Thomas Fatôme. Le patron de la Cnam se montre affirmatif. « Désormais, plus de 98 % des Français peuvent déjà recevoir un message ou un document en sortant de l’hôpital ou de consultation ».
Si le taux de refus est comparable à celui observé dans d’autres pays ayant misé sur l’opt-out, l’activation volontaire des Français reste maigre. Seuls 10 % des assurés ont décidé, de leur plein gré, de cliquer sur l’activation de Mon Espace santé, soit 7,2 millions d'assurés. Qu’importe, Thomas Fatôme salue une bonne dynamique « avec un rythme de 600 000 activations par mois en moyenne ». « Mon Espace santé s’installe dans la vie de nos assurés », assure le DG de la Cnam.
Directives anticipées, certificats médicaux, résultats de biologie : depuis février dernier, pas moins de sept millions de documents ont été ajoutés par les Français. Et 42 % d'entre eux ont également renseigné au moins une mesure, de poids, de taille ou de tension artérielle. Aussi, 300 000 messages ont été échangés via la messagerie sécurisée.
L'hôpital en pointe, la ville à la traîne
Côté médecins, la Cnam et le ministère avancent le chiffre de 25 millions de documents envoyés sur la plateforme par des professionnels de santé. « Une dynamique enthousiasmante » pour Raphaël Beaufret, coresponsable de la délégation ministérielle au numérique en santé (DNS). L'expert rappelle que « c’est deux fois plus en dix mois que ce qui a été fait en dix ans avec le DMP ».
Parmi les meilleurs élèves de l’alimentation de cet espace digital : les hôpitaux – qui sont passés depuis janvier de 271 000 DMP enrichis à 1,4 million en septembre – et les biologistes (1,7 million de dossiers abondés en septembre, contre 343 000 en janvier).
« Cet outil est la clé qui nous manquait pour faire le pont vers la ville », témoigne Pierre Pinzelli, directeur du CH d’Avignon. L’hôpital du Vaucluse affirme avoir déjà alimenté 185 000 DMP et adressé 802 000 documents – comptes rendus opératoires, résultats de biologie ou lettres de sortie.
Cet enthousiasme laisse place à de vraies disparités, la médecine de ville peinant à intégrer pleinement la dynamique. De fait, les professionnels libéraux n’avaient alimenté que 119 000 dossiers en septembre dernier, un chiffre décevant. Mais la délégation ministérielle du numérique en santé veut croire que le financement de la mise à jour des logiciels de ville – connectés à Mon Espace santé –via le Ségur du numérique, permettra aux libéraux de s’emparer massivement de l’outil. Quelque 38 000 médecins de ville ont déjà commandé une nouvelle version conforme, les mises à jour sont prévues jusqu’au 28 avril 2023.
Les applis intègrent la plateforme
Toujours dans l’allégorie historique, François Braun voit dans ce DMP remanié « un nouveau carnet de santé », dans la lignée du livret de santé du Dr Fonssagrives en 1869, puis du carnet obligatoire et gratuit apparu à la Libération. « Nous redonnons la main au citoyen dans la gestion de sa santé, ce sont ses données, pas celle du médecin », insiste-t-il.
Après le DMP et la messagerie sécurisée, Mon Espace santé se dote déjà d’une nouvelle brique : le catalogue d’applications labellisées. Suivi de pathologies, objets connectés, prises de médicaments, portail de pré-admission hospitalière : douze applis santé référencées par l’État viennent déjà s’intégrer à la plateforme comme « FreeStyle LibreLink », « compte Ameli », « Withings » ou « Vidal ». « Elles ont été sélectionnées sur 150 critères éthiques, de qualité, de sécurité, d’interopérabilité et de respect du RGPD », détaille Thomas Fatôme (Cnam). Une centaine de nouvelles applis sont attendues dans les prochains mois.
Conformément aux priorités du gouvernement, Mon Espace santé entend mettre le paquet sur la prévention avec l’intégration courant 2023 d’un calendrier médical rappelant notamment les dépistages obligatoires. L’Assurance-maladie souhaite également pousser le carnet numérique de l’enfant « avec, à terme, l’objectif de dématérialiser les comptes rendus des vingt examens obligatoires de l’enfant ».
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