Ne plus voir le patient seulement quinze minutes tous les trois mois dans le secret du colloque singulier mais l’accompagner au jour le jour, sans difficulté. Être son « coach » santé avant d’être son médecin.
Telle est la vision de la médecine de demain de certains industriels et spécialistes des nouvelles technologies du secteur, développée il y a quelques jours à Tenerife (Espagne), lors du congrès biennal de Nuance Healthcare, spécialiste américain de la reconnaissance vocale et de l’imagerie numérique.
Aujourd’hui, les objets de santé connectés – au sens large – rentrent peu à peu dans la vie des professionnels et des usagers. Des toutes premières applications de comptage de calories aux dispositifs médicaux plus poussés d’automesure de données biologiques pour mieux cerner les pathologies chroniques, les solutions techniques se développent à la vitesse grand V.
Réguler les dépenses des patients chroniques
On recense plus de 40 000 applications médicales et 100 000 consacrées au bien-être. En trois ans, le volume mondial des « appli » de santé a été multiplié par seize. Selon les prévisions de la Commission européenne, 3,4 milliards de personnes dans le monde posséderont un smartphone dans deux ans, dont un sur deux hébergeant une « appli » santé.
Conscients de cet eldorado, les industriels sont déjà dans le coup d’après. Leurs clients ne sont plus uniquement les médecins et les patients. Les pouvoirs publics, soucieux d’optimiser les dépenses de santé dans tous les pays développés, sont le prochain gros poisson.
Aussi, à Tenerife, l’enjeu économique des objets de santé connectés a souvent supplanté l’intérêt médical dans les discours. Selon une étude du cabinet d’audit américain PwC, le déploiement optimal de la technologie mobile sur le curatif (diabète de type 2, pathologies cardiovasculaires et insuffisance respiratoire) et en matière de prévention (patients fumeurs, obèses, hypertendus) permettrait aux 27 États membres de l’Union européenne une économie de 99 milliards d’euros liée à la réduction des hospitalisations et de la consommation médicale et à une meilleure observance des traitements au quotidien.
Préférer le médecin à la donnée
Cette vision prospective s’accompagne d’une réflexion sur la nature de la santé connectée de demain.
La génération 1.0 de l’automesure se contentait de prélever et d’analyser simplement par des courbes comparatives nombre de pas, fréquence cardiaque, tension artérielle, oxygénation du sang, température et sommeil. Le médecin apparaissait éventuellement en aval de la démarche, en analyste des données.
Pour la génération 2.0, les industriels entendent replacer le professionnel au cœur de la santé connectée. « Dans cinq ans, c’en sera fini de l’automesure telle qu’on la connaît, assure le Pr Koen Kas, oncologue moléculaire belge et entrepreneur biotech. La santé connectée doit se recentrer sur le discours du médecin, coach de son patient. » Fondées sur ce principe, les cabines de téléconsultation – comme le modèle à l’initiative de l’assureur Axa en France – pourraient se développer.
Instance régulatrice supranationale ?
Si l’envie est là, les industriels risquent, à court terme, d’être freinés dans leur élan par l’absence de modèle économique durable, de normes technologiques et de réglementation cohérente sur la santé connectée. Gadget ou dispositif médical, le tri n’est pas toujours opéré dans cette période d’ébullition. Qui paye et qui, le cas échéant, rembourse ? Chaque pays a ses spécificités. Dans l’Hexagone, la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ne se positionne pas. Le MEDEF s’impatiente (voir ci-dessous).
La solution pourrait résider dans la création d’une instance régulatrice supranationale. Sept pays européens, dont la France, se réunissent en juillet pour tenter de définir une première série d’indicateurs techniques, éthiques, médicaux et juridiques, avant-goût du premier guide de fabrication des objets de santé connectés de demain.
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