Tous les deux ans, le Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (Snitem) dresse un bilan de la filière du dispositif médical (DM) en France. Et la situation est jugée préoccupante. Après son panorama 2019 — publié avant le début de la pandémie — le lobby des dispositifs médicaux constate « un tassement de la croissance du secteur », alerte son président, Philippe Chêne, à la lumière de cet audit réalisé par D&Consultants, en partenariat avec la Direction générale des entreprises et Bpifrance. Une enquête qualitative en ligne a aussi été menée auprès d’un échantillon représentatif d’acteurs majeurs de la filière.
L'impact des déprogrammations
Si le chiffre d’affaires global des dispositifs médicaux se stabilise (+0,7 %) entre 2019 et 2021 — consolidé à 30,7 milliards d’euros – ce résultat est soutenu essentiellement par le diagnostic in vitro et l'export. « Un chiffre qui cache même une vraie chute en 2020, liée à la crise Covid », détaille Dominique Carlac'h, présidente de D&Consultants, vice-présidente et porte-parole du Medef. « Les déprogrammations de chirurgie reportables, notamment en orthopédie, cardiologie, ophtalmologie ont entraîné une baisse du chiffre d’affaires », ajoute-t-elle.
Au plus fort de la crise, les entreprises qui commercialisent des DM destinés à des chirurgies programmées ont enregistré une baisse de 20 % de leurs ventes. « Ça fait 10 ans que nous suivons le secteur et c’est la première fois que l’on enregistre une décroissance », souligne Dominique Carlac'h. À l’inverse, d’autres entreprises ont été très sollicitées (respirateurs, gants…) et ont dû gérer des ruptures d’approvisionnement.
Le numérique dynamique mais...
Preuve de sa fragilité, alors que le secteur emploie près de 90 000 salariés dans l’Hexagone, le nombre de sociétés a chuté en deux ans, passant de 1 502 entreprises à 1440, soit une baisse de 4 %. La moitié d’entre elles ont subi une cessation d’activité. Pour les nouvelles entrantes sur le marché — en grande majorité des start-up — 31 % choisissent de se dédier au numérique en santé (DM connecté, solutions digitales), branche en plein essor.
Plus globalement, un quart des entreprises de DM commercialisent déjà dans leur gamme des dispositifs médicaux connectés ; et 42 % des sociétés interrogées disent avoir des projets de numérisation en cours. « Il y a un réel engouement autour du numérique pour améliorer le parcours de soins et le suivi des patients, seulement beaucoup d’entreprises ont encore du mal à trouver un modèle économique », nuance Dominique Carlac'h. Les méthodes d’évaluation de ces solutions par la Haute Autorité de santé (HAS) « ne sont pas forcément très claires », ajoute-t-elle.
Malgré une bonne dynamique à l’export (+4,3 %, à 10 milliards d'euros), la filière des dispositifs médicaux a été sérieusement impactée par la crise et l'inflation des matières premières. En un an, « nous avons constaté des hausses spectaculaires sur les composants électroniques, jusqu’à +400 % », avance Dominique Carlac'h. Certains chiffres avancés par le Snitem donnent le tournis : +200 % sur les métaux au plus fort de la crise, +90 % pour les plastiques, entre +40 et 350 % d’augmentation sur les terres rares qui entrent dans la composition de batteries.
Règlement européen et lourdeurs administratives
Le Snitem affirme également avoir pâti de l’entrée en vigueur, en mai 2021, du nouveau règlement européen relatif aux dispositifs médicaux, plus exigeant en termes d’investigations cliniques.
Selon les sociétés interrogées, 80 % d'entre elles disent avoir engagé des dépenses supplémentaires pour se conformer à ce règlement et 61 % signalent des délais trop longs de réponses des autorités de régulation avant la mise sur le marché. En moyenne, six à douze mois de retard sont constatés par ces firmes. « Conséquence, 80 % d’entre elles ont dû rationaliser leur gamme de produits, voire stopper la mise sur le marché de certains dispositifs médicaux », s’alarme Dominique Carlac'h.
À l’échelle française, même lourdeur administrative constatée dans l’accès au marché. « Le temps moyen d’inscription d'un dispositif médical sur la LPPR (liste des produits et prestations remboursables, Ndlr) est d’un à trois ans, du coup l’innovation incrémentale de ces DM ne peut pas être valorisée à des niveaux de prix corrects, et ce retard peut même entraîner une réduction des prix », affirme Dominique Carlac'h. Conséquence, selon le panorama du Snitem, 40 % des répondants affirment avoir renoncé à mettre sur le marché tricolore au moins un de leur dispositif médical. « Ce chiffre fait froid dans le dos », se désole-t-elle.
Comme souvent, le Snitem fustige les politiques de régulation et d’accès au marché, inadaptées aux nouvelles technologies médicales. « Par ailleurs, la régulation annuelle dans le PLFSS (budget de la Sécurité sociale, Ndlr) nous donne très peu de visibilité », souligne Philippe Chêne. Il alerte même sur « une situation critique alors que le président de la République a rappelé que nous étions une filière stratégique en France ». Un accord-cadre est en cours de négociation entre le Snitem et le Comité économique des produits de santé (CEPS).
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