Fin de l'examen de la loi de bioéthique : que comporte la dernière copie des députés ?

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Publié le 10/10/2019

Crédit photo : S. Toubon

Les députés ont achevé ce jeudi 10 octobre l'examen en séance publique du projet de loi de bioéthique, commencé le 24 septembre dernier. Si cette séquence n'a pas donné lieu à un grand-chamboule tout par rapport au texte révisé par la commission spéciale, les discussions des 2 600 amendements déposés ont apporté des modifications et ajouts substantiels. Le vote solennel aura lieu le mardi 15 octobre, avant que le Sénat ne se penche sur le texte en 2020.  

Un plan pour lutter contre l'infertilité 

L'extension de l'assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes a été votée par 55 voix contre 17, après trois jours de débats durant lesquels la droite a fustigé un monde « sans père », tandis que la majorité et la gauche ont défendu une mesure d'égalité. Le double don de gamètes sera désormais possible. Les députés ont en revanche rejeté l'AMP post-mortem, l'AMP pour les transgenres et la technique Ropa (réception d'ovocytes de la partenaire). 

Le texte ouvre la voie à l'autoconservation des gamètes (jusqu'à 10 ans). Mais les députés ont refermé la possibilité pour les centres privés à but lucratif d'assurer la conservation des gamètes. 

Ils ont adopté un amendement transpartisan imposant la mise en place par le gouvernement de mesures nationales et pluriannuelles en matière de formation, d'information et de recherche, pour lutter contre l'infertilité.  

Vifs débats autour des donneurs et de la GPA 

La question de l'accès aux données non identifiantes du donneur, ou à son identité, pour des enfants issus d'AMP, a fait l'objet de vifs débats.

Contre l'avis du gouvernement, les députés ont voté un amendement porté par Jean-Louis Touraine (LREM) permettant aux donneurs de connaître le nombre d'enfants issus de leur don, leur sexe, et leur année de naissance. « Un contre-don » que le député médecin a rapproché de la situation des donneurs d'organes qui peuvent connaître l'état de santé du receveur.

En revanche, l'hémicycle a refusé que les donneurs qui ont donné sous le régime de l'anonymat soient recontactés. Une campagne de sensibilisation devrait les inciter à se rapprocher de la commission ad hoc s'ils acceptent la levée de leur identité. 

La gestation pour autrui (GPA) ne figure finalement pas dans la copie finale des députés, malgré une brève effraction dans l'hémicycle. Les députés avaient voté le 3 octobre dernier un amendement en faveur de la reconnaissance systématique des enfants conçus ainsi à l'étranger – contre l'avis du gouvernement. Mais l'Assemblée a fait marche arrière le dernier jour. Le gouvernement, rappelant l'interdiction de la GPA en France, a assuré qu'une circulaire sera bientôt transmise pour homogénéiser les pratiques. 

Refus de l'ouverture des tests d'accès direct, du DPI-A, du dépistage néonatal

Loin de légaliser les tests ADN d'accès direct, l'Assemblée nationale a voté l'interdiction de leur publicité. Elle a aussi refusé d'inscrire le dépistage néonatal dans la loi et mis fin à la pratique du diagnostic pré-implantatoire (DPI) couplé à un typage HLA (DPI-HLA) connue sous le nom de « bébé médicament ». 

Les députés ont aussi refusé d'étendre le DPI à la recherche d'aneuploïdies, suivant l'avis du gouvernement.  

Vers une meilleure prise en charge des enfants intersexes

Si elle ne figurait dans la copie initiale du gouvernement, la situation des intersexes a longuement ému les parlementaires. Ils ont voté un amendement systématisant l'orientation des enfants intersexués vers les quatre centres de référence des maladies rares du développement génital, à Lille, Lyon, Montpellier et Paris, sans toutefois interdire les opérations chirurgicales de conformation, ce que demandait la France Insoumise.

Le projet de loi précise désormais que « le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ». Le gouvernement a un an pour fournir un rapport avec des éléments chiffrés sur le nombre de personnes concernées. 

C'est beaucoup plus facilement que les députés ont adopté les articles relatifs à la recherche sur l'embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules IPS, qui relèveront de régimes juridiques distincts, sur la durée maximale de culture de l'embryon in vivo, fixée à 14 jours, ou encore sur la modification transgénique des embryons à des fins de recherche.

Sans débats non plus, les articles relatifs au don croisé (possibilités d'élargir le nombre de paires au-delà de deux) ou à la thérapie innovante (possibilités de réaliser au cours d'une seule intervention médicale des médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement MTI-PP) ont été adoptés. 

Enfin, les députés ont entériné le principe d'une révision des lois de bioéthique tous les 5 ans, contre 7 actuellement. 


Source : lequotidiendumedecin.fr