Un médecin une vie
MUSIQUE OU MÉDECINE ? À 20 ans, l’âge de tous les possibles, Jean-François Elberg est tiraillé entre deux destins. Sans savoir que c’en est un troisième qui, quelques décennies plus tard, finira par le happer, inscrivant son nom en haut de l’affiche. L’homme qu’il considère tout à la fois comme son fils et son maître, l’a prévenu : « Mon ami, tu es un chirurgien brillantissime, un fantastique pianiste de jazz, un golfeur hors pair et je suis fier d’avoir découvert en toi un grand comédien de théâtre, c’est sûr...
Mais sache que ça n’est pas parce que l’on brille sur scène qu’il faut désormais exiger que ton prénom composé s’écrive avec un tiret de minimum 50 mm de large. Alors là je dis : Jean-François, méfie-toi, tu prends la grosse tête. » Et c’est signé Dany Boon*.
«Mais, non, proteste l’intéressé, ce n’est pas la suffisance qui me menace, c’est tout simplement le bonheur. Le bonheur de devenir acteur, d’être devenu un jeune premier à 65 ans. Un rêve que j’ai commencé à vivre, avec pour principaux arguments ma gueule et mon désir ! »« Il en parle, confirme une de ses proches amies, avec une niaque d’enfer, prêt à bouffer la Terre toute crue, la mer, les poissons, le ciel et les météorites ! »
L’histoire de Jean-François Elberg commence pourtant comme un cauchemar : à 5 ans, sous l’Occupation, il est arrêté. Son père, médecin héroïque au camp de Drancy, est déporté à Auschwitz, d’où il ne revint pas. Un grand-père chirurgien-dentiste au grand cur, réparateur de gueules cassées pendant la Première Guerre mondiale, l’élève jusqu’au jour où il lui faut donc choisir entre la musique et la médecine. À 18 ans, pianiste de jazz, il joue avec les plus grands de l’époque, les Henri Texier, Georges Locatelli, Pierre-Alain Dahan, et il remporte même un concours international de l’ORTF. Il opte cependant pour la médecine. Mal à l’aise dans un milieu d’étudiants nantis plus jeunes que lui, il s’accroche, fait tout pour réussir les concours et se retrouve chirurgien orthopédique.
Le Raimu de l’internat.
Son confrère Alain Deloche se souvient des conférences d’internat qu’ils donnèrent ensemble : « Jean-François et moi jouions à guichet fermé, pour le programme de chirurgie, lui pour "le mou", moi le pour "le dur". Je l’admirais et je l’enviais. Quel acteur ! Sa carrure, sa voix grave, sa rapidité d’esprit et son sens des répliques fascinaient le public étudiant. Et s’il fallait le clamer en chansons, il n’hésitait pas. Pour nous tous, il était le Raimu de l’internat, il nous subjuguait avec des morceaux de bravoure où se mêlaient médecine et vaudeville : "Ciel, mon mari"... l’amant saute par la fenêtre et... double fracture du calcanéum, l’os du plaisir interdit... »
Entre autres sketches tirés de ces conférences menées façon one-man-show, « La fracture du barreau de chaise », pour expliquer les différents types de fracture, « Le petit Robert a un accident », récit de ce qu’il ne faut pas faire dans une voiture quand on transporte un enfant, ou « Les mots valises », pour expliquer qu’il y a certains mots qu’il ne faut jamais prononcer au concours, sous peine d’être obligé de prendre sa valise et de retravailler pour repasser un an après...
Avec Alain Deloche viendront d’autres partages mémorables. Les deux chirurgiens fondent ensemble la Chaîne de l’espoir. Tout en se refusant à jouer au « grand médecin blanc », comme tant d’autres, le Dr Elberg multiplie les missions réparatrices en Asie et en Afrique.
Dans son dernier livre, « la Passion de l’humanitaire » **, il évoque «ces histoires qui nous relient à l’humanité », comme des petites musiques mélancoliques qui chantent la vie, simples et justes.
Voilà donc le Jean-François Elberg écrivain, déjà remarqué avec « la Filière des enfants », où il retrace l’épopée du réseau que son père avait monté pour sauver des enfants de la déportation. Dans cette bibliographie décidément composite, on retrouve encore de la médecine, avec « Sauver son dos » (co-écrit avec Philippe Doucet, aux éditions Alphée).
À l’affiche avec Dany Boon.
Et, au final, bien sûr, comme en apothéose, voici le théâtre et le cinéma, avec la métamorphose du musicien-chirurgien-humanitaire et écrivain qui devient acteur. Dans « Merci Dany ! » , sous le sceau de son amitié avec Dany Boon, qu’il a rencontré par hasard, sur un court de golf, Jean-François Elberg livre le récit haletant et jubilatoire de sa nouvelle vie. « Le Quotidien » (31 mars 2003) a raconté comment il a fait ses débuts sur TF1, aux côtés de Sandrine Bonnaire dans un téléfilm d’Aline Isserman, « La Maison des enfants ». Suivra la rencontre décisive, avec le réalisateur de « Bienvenue chez les ch’tis », qui l’enrôle dans une comédie, « la Vie de chantier ». Pendant six mois, tous les soirs, il est à l’affiche du théâtre du Gymnase. Chirurgien le jour, Acteur le soir.
C’est parti ? Les contrats s’enchaînent. Il tourne avec Claude Berri (« L’un reste, l’autre part »), Graham Guit (« Hello Goodbye), Édouard Molinaro (« Le Tuteur », « Le Clandestin »). Il est chez Armedia, avec les grands de la profession. Dans la rue, on le reconnaît de plus en plus souvent. « Je ne sais pas où tout cela m’entraînera, confie-t-il. Mais j’y vais. » La suite pourrait bien être une pièce qu’il a écrite autour d’un personnage d’un médecin particulièrement redoutable. ( « Knock, à côté, est un enfant de chur », sourit-il). Et pourquoi pas, dans la foulée, un one-man-show, comme à l’époque héroïque des conférences d’internat ?
* « Merci Dany », éditions Ragage, 128 p., 15,90 euros
** « La Passion de l’humanitaire », éditions Alphée, 196 p., 18,90 euros.
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