« C’est effarant de retrouver sur le territoire français une situation pire que sur les terrains de crise ! On peut voir cela au Soudan ou au Népal, après le tremblement de terre. Mais ici, à Calais, c’est aberrant. »
Céline Morin ne décolère pas. Tout juste rentrée de deux mois au Kurdistan, cette responsable de mission à Solidarités International a été appelée à Calais pour une intervention d’urgence dans le camp de migrants.
Chassés de leurs squatts en centre-ville, les centaines de migrants africains et afghans en attente d’un passage en Angleterre ont trouvé refuge dans l’énorme terrain vague qui jouxte le centre d’accueil Jules Ferry ouvert par l’État en mars dernier. Des tentes en bâches plastiques à perte de vue, des abris de fortune bricolés avec quelques couvertures et bouts de bois…
Loin des standards internationaux
Et partout, des déchets jonchant le sol. Ce camp improvisé offre un spectacle de désolation : 3 000 migrants regroupés par communautés, sans eau ni sanitaires. Le centre d’accueil de jour propose bien quelques douches et toilettes mais en nombre nettement insuffisant. Les conditions d’hygiène sont telles qu’une épidémie de gale s’est développée fin juillet dans le camp.
Devant l’urgence de la situation, Médecins du Monde a fait appel à l’ONG Solidarités International pour prendre en charge l’aspect sanitaire. Après la distribution de 3 000 kits d’hygiène (savon, brosse à dents, mousse à raser…) l’association s’est attaquée à l’installation de latrines et douches. Une équipe de trois salariés et d’un logisticien, aidée sur place par les migrants volontaires, 15 latrines et une dizaine de douches ont été réparties sur l’ensemble du camp. « Un premier équipement de base mais nous sommes loin des standards internationaux en vigueur dans les camps d’urgence qui imposent une latrine pour 50 personnes », confie Timothée, en mission depuis un mois sur le camp. L’équipe a également distribué des centaines de jerrycans afin d’assurer aux migrants un accès à l’eau. En sillonnant le camp, on croise des Africains poussant de vieux caddys brinqueballant chargés de bidons d’eau…
Une clinique mobile pour les soins
À une centaine de mètres du camp des Afghans, dans une zone neutre, se dresse la clinique mobile de Médecins du Monde : trois tentes identiques à celles installées récemment au Kurdistan irakien, pour assurer l’accueil, le recueil infirmier et l’orientation. À l’arrière, trois bungalows en bois abritent les cabinets de consultations et de soins.
Depuis début juillet, l’équipe présente à Calais a été renforcée : désormais elle compte deux postes de médecins et quatre d’infirmiers, auxquels s’ajoutent un kinésithérapeute et un psychothérapeute. « Nous constatons beaucoup de souffrance psychologique. Les migrants présentent des syndromes post-traumatiques, des cauchemars. Beaucoup ont subi des violences dans leur pays ou durant leur voyage à travers l’Europe », explique Chloé Lorieux, coordinatrice de la mission de Calais.
Chaque jour, la clinique mobile assure soixante consultations médicales et 30 consultations infirmières. « Mais nous refusons une trentaine de patients quotidiennement. Les besoins sont immenses », déplore le Dr Jean-François Patry, spécialiste de rééducation venu des Landes pour une mission bénévole. « Les principales pathologies relèvent de la traumatologie, en raison du côté violent de la vie de ces migrants. Chaque nuit, ils font des tentatives de passage et se blessent les mains sur les grillages ou en essayant de s’agripper aux trains empruntant le tunnel sous la Manche. Ils arrivent ici avec des plaies profondes aux mains voire des déchirures », poursuit-il.
La PASS de l’hôpital sollicitée
Lorsqu’une suture est nécessaire, ou lorsque les migrants présentent des fractures aux jambes, ils sont aiguillés vers la PASS (Permanence d’accès aux soins de santé) de Calais. Une camionnette fait la navette entre la clinique mobile et l’hôpital de Calais pour acheminer les malades et les ramener sur place après les premiers soins. Et deux équipes sillonnent les différents secteurs du camp à la rencontre des différentes communautés afin de s’assurer de la bonne observance des traitements et déceler d’éventuels problèmes.
« Nous assurons le suivi des plaies ici et la rééducation quand c’est nécessaire, précise le spécialiste landais, atterré par l’état de santé de ces réfugiés. Ils présentent des douleurs chroniques anciennes liées à des séquelles de traumatismes lors de leur itinérance ou aux tortures subies dans leur pays. Certains arrivent mutilés. Tous sont très marqués psychologiquement. Hier, j’ai reçu un Afghan de 12 ans arrivé seul à Calais. Il a fui son pays après voir vu sa mère égorgée devant lui. Il a été soigné aux urgences pour de graves blessures aux mains. Mais c’est surtout d’un accompagnement psychologique qu’il a besoin. Il lui faudra du temps pour panser ses plaies. Et ici, nous manquons cruellement de personnel pour assurer ce suivi. »
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