Le corps des femmes suscite des prescriptions spécifiques, indissociables de l'alimentation. Faustine Régnier, sociologue à l'Inra (unité ALISS Université Paris-Saclay), a travaillé sur la presse féminine sur près de huit décennies (des années 1930 à nos jours), comparant deux titres – Modes et Travaux et Good Housekeeping – l'un français, l'autre américain. « C'est un support idéal pour capter un discours normatif à destination du grand public. Quant au choix de la comparaison France/États-Unis, il s'explique par le fait qu'en matière d'alimentation et de corpulence, ces deux pays constituent des modèles complètement différents », souligne-t-elle.
Une libération sous surveillance
Tout au long du XXe siècle – depuis la première guerre mondiale notamment – la société a assisté à une libération (dénudation) progressive du corps des femmes, avec en parallèle l'imposition de nouvelles contraintes en termes de discipline de la corpulence et de surveillance de l'alimentation.
« Si les revues françaises et américaines mentionnent régulièrement qu'il faut maigrir pour être belle, elles précisent rarement ce que doit être le poids idéal : ce qui domine, est que les femmes doivent perdre du poids », précise Faustine Régnier. La norme édictée en France est une perte mensuelle de 2 à 3 kg, alors qu'aux États-Unis, elle peut atteindre 15 à 20 kg !
De l'action extérieure au travail intérieur
La réponse à la question « comment peser moins ? » évolue avec le temps, liée à la façon dont le corps est évalué. Avant les années 1960, le mètre à ruban est très utilisé : les vêtements sont faits sur-mesure, chez la couturière. « Les interventions extérieures (gaines pour masquer les contours du corps, crèmes) tiennent alors une place importante », indique Faustine Régnier.
Petit à petit, à partir des années 1960, le pèse-personne s'impose, et le corps est essentiellement évalué en kilos. Cela va consacrer la place de l'alimentation dans la perte de poids. « Les actions extérieures sont délaissées au profit de régimes amincissants et de recommandations diététiques, », note Faustine Régnier.
En France, prévaut la notion d'équilibre et de sagesse, aux États-Unis, au contraire le régime amaigrissant fait partie de façon chronique du mode de vie, à quoi s'ajoute le rôle de l'exercice physique qui valorise l'effort sur soi. « Aux États-Unis, la minceur fait la une de la presse féminine tout au long de l'année, alors qu'en France, le régime pour perdre du poids reste saisonnier (en janvier, après les excès dus aux fêtes et au printemps, avant les vacances d'été) », ajoute Faustine Régnier.
À partir de la fin des années 1980, les deux revues convergent, dans l'augmentation des exigences placées sur le corps des femmes. « Les recommandations prônent une surveillance plus étroite du corps via l'alimentation, et un travail intense via l'activité physique. Au corps sur-mesure correspondent des techniques personnalisées et individualisées. Les femmes sont de plus en plus désignées comme responsables de leur corps », conclut Faustine Régnier.
F Régnier. Vers un corps féminin sur mesure : l'alimentation et les techniques de la corpulence en France et aux États-Unis (1934-2010), L'Année sociologique, 2017, 67, n° 1, PP.131-60
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