Biosimilaires : le laboratoire Amgen réclame des incitations financières pour doper la prescription de ville

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Publié le 08/06/2021
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Crédit photo : PHANIE

Mis sur le marché depuis une quinzaine d’années, les médicaments biosimilaires sont en moyenne 20 à 30 % moins chers que leurs médicaments biologiques de référence. Désormais, 44 biosimilaires sont commercialisés en France, avec une accélération ces quatre dernières années du développement des biosimilaires d’anticorps monoclonaux.

Avec un potentiel d’économie annuel de trois milliards d’euros en 2020, la manne de la prescription de biosimilaires est considérable. « Mais c’est une économie potentielle, si l’on couvrait l’ensemble des champs… Actuellement, nous sommes plutôt à 50 millions d’euros d’économie à l’hôpital et 48 millions en ville », a recadré ce mardi Jean-Philippe Alosi, directeur des affaires publiques d'Amgen, lors d’un atelier organisé par le laboratoire qui développe une dizaine de molécules biosimilaires (dont trois sont d’ores et déjà commercialisés en France).

La ville à la traîne

Les pouvoirs publics ont compris l’intérêt financier de la prescription de biosimilaires.

Le ministère de la Santé avait fixé un objectif de 80 % de taux de pénétration pour 2022 sur leur marché de référence. Un objectif presque atteint à l’hôpital (69 %) mais très loin du compte en ville (23 %). « La pénétration du biosimilaire à l’hôpital a été extrêmement rapide, grâce aux politiques d’achats hospitaliers, de mise en concurrence et aux appels d’offres », analyse Jean-Philippe Alosi. La prescription des biosimilaires rituximab, trastuzumab, ou pegfilgrastim dépasse souvent les 90 % de recours.

En ville, alors que le médecin peut renouveler une prescription d’un médicament biologique de référence ou le changer par un biosimilaire (on parle d'interchangeabilité), dans le cadre d'une décision partagée, « le taux de pénétration n’est pas la hauteur de l’enjeu », regrette le directeur des affaires publiques d'Amgen. À titre d’exemple, l’insuline glargine est « substituée » à 48 % par son biosimilaire, alors qu’une incitation spécifique est accordée via la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique). Ce taux chute à 33 % pour l’adalimumab, pourtant sur le marché depuis plus de 3 ans.

Au total, chez les patients atteints de maladies chroniques, l’initiation d’un traitement avec un biosimilaire ne représente que « 15 à 21 % des prescriptions ». Surtout, le taux de pénétration en ville reste « l'un des plus bas d'Europe ».

Intéressement aux économies

Pour changer de braquet, Amgen recommande de mettre en place des incitations financières pour les libéraux afin de favoriser l'interchangeabilité en ville.

Proposition phare : généraliser une ROSP « biosimilaires » pour tous les professionnels de santé de ville, qui bénéficierait aux médecins spécialistes concernés, pharmaciens d'officine et infirmiers. Ce bonus  correspondrait au reversement d'une partie des économies générées par la prescription de biosimilaires. « Des négociations doivent être mises en place avec l’Assurance-maladie. Nous l’appelons de nos vœux, c’est une mesure urgente », martèle Jean-Philippe Alosi. Un mécanisme incitatif auprès des médecins de ville valorisant « la reconnaissance du temps passé » est aussi suggéré.  

La rémunération spécifique des médecins de ville était déjà l’une des préconisations de l’Assurance-maladie, dans son rapport « charges et produits » de juillet 2020. Elle évoquait un intéressement financier « basé sur un partage des économies générées par la prescription des médicaments biosimilaires à la place des médicaments référents. Le dispositif d’intéressement à la prescription de biosimilaires pour les libéraux aurait un potentiel de 42 millions d’euros d’économies ».

Une « ROSP » hospitalière a déjà été expérimentée avec succès depuis 2019 dans une quarantaine d'établissements, incitant la prescription hospitalière de biosimilaires délivrés en ville. La rémunération s’élevait à 30 % du différentiel de prix – les hôpitaux pouvant gratifier directement les services hospitaliers mobilisés. Amgen suggère là aussi de généraliser cette expérimentation. 

Décision partagée

Le succès des biosimilaires en ville passe également par la décision médicale partagée entre le praticien et son patient. « Cela nécessite l’initiation d’une éducation thérapeutique, si par exemple le stylo injecteur du biosimilaire est différent de celui du médicament biologique de référence, pour améliorer l’adhérence et l’observance des patients », précise le Dr Jean-Christophe Réglier, directeur médical biosimilaires et rhumatologie chez Amgen. Un constat que partage Sonia Tropé, directrice de l'ANDAR, l’Association nationale de défense contre l'​arthrite rhumatoïde. « Le patient doit décider, le traitement biosimilaire ne sera plus efficace que si le patient est bien informé, dans une démarche commune ».

Elle regrette au passage le forcing des syndicats de pharmaciens pour avoir accès à une substitution directe des médicaments biologiques – à l’instar des génériques. « Pour une molécule à prescription initiale hospitalière, ajoute Sonia Tropé, il est difficile d’envisager que le pharmacien puisse la changer alors que c’est une décision partagée entre le médecin et son patient. »


Source : lequotidiendumedecin.fr