Les données restent à affiner, mais le chiffre communiqué par l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a de quoi inquiéter : le nombre de signalements de rupture d'approvisionnement de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) a augmenté de 30 % entre 2016 et 2017, pour dépasser la barre des 500.
L'explication de cette hausse « reste à comprendre », explique Patrick Maison, directeur de la surveillance de l'ANSM. « Une des raisons réside dans le fait que le nombre de MITM a augmenté ces dernières années, avance-t-il. Il est aussi possible que nous ayons eu des ruptures répétées sur plusieurs produits. »
Cette hausse n'est en tout cas pas liée à un changement du mode de signalement qui est resté le même depuis 2016, ni à rattacher à un événement particulier (comme la crise du Lévothyrox par exemple). Pour le directeur général de l'ANSM, Dominique Martin, le constat est clair : « Les ruptures de stocks vont devenir de plus en plus fréquentes, de par le simple fait que la production de médicaments se globalise, et fait appel à de plus en plus d'intermédiaires et de sous-traitants » prédit-il.
Anti infectieux en tête
Comme les années précédentes, les ruptures d'approvisionnement touchent en priorité les anti infectieux généraux (plus de 20 % des signalements), les traitements du système nerveux (un peu moins de 20 %) et les molécules dirigées contre le cancer (environ 15 %). Les causes déclarées restent aussi les mêmes : problèmes touchant l'outil de production (environ 20 % des cas), insuffisance des capacités de production (environ 15 %), augmentation du volume des ventes, difficultés d'approvisionnement en matière première, défauts de qualité des produits finis. « Plusieurs causes peuvent se superposer », précise Patrick Maison.
Depuis la publication des décrets d'application de la loi de modernisation de notre système de santé, en janvier 2016, les laboratoires fabriquant et commercialisant des MITM sont tenus d'informer l'ANSM de tout risque de rupture de stock. Ils doivent aussi mettre en place des solutions alternatives face à ce genre de situation et prendre des mesures d'accompagnement et d'information des professionnels de santé et des patients.
Le cas de la benzathine benzylpénicilline
À titre d'exemple, l'ANSM gère en ce moment le dossier épineux de la rupture de stock de benzathine benzylpénicilline. Cet anti infectieux injectable de la famille des pénicillines G, indiqué dans le traitement de la syphilis et la prophylaxie du rhumatisme articulaire aigu, n'est produit en France que par un seul laboratoire, Sandoz, et ne dispose pas d'équivalent.
En novembre 2014, Sandoz s'était vu octroyer une AMM pour ce médicament, suite à une première rupture de stock causée par l'arrêt de la commercialisation de l'Extencilline (la même molécule avec un excipient différent) par le laboratoire Sanofi. Dès octobre 2017, c'est au tour de Sandoz de connaître des difficultés avec un de ses fournisseurs. L'ANSM a dû mettre en place des mesures de contingentement, avant d'importer une spécialité similaire (RETARPEN) de République Tchèque, tout en instruisant à marche forcée le transfert d'AMM de l'Extencilline de Sanofi vers le laboratoire Delbert assorti de l'enregistrement de nouveaux sites de production. Un retour à la normale est prévu à la fin du premier trimestre 2018.
Un groupe de travail a été monté par une dizaine d'agences du médicament de pays européens rassemblés au sein de l'agence européenne du médicament (EMA), afin de travailler sur la question des ruptures de stock.
« Dans un premier temps, nous nous sommes mis d'accord sur la définition de médicament d'intérêt thérapeutique majeur, raconte Patrick Maison. Nous avons listé ceux qui, pour une raison ou pour une autre, nécessitent une surveillance particulière. À terme, nous espérons jeter les bases d'une meilleure coordination européenne de la gestion des épisodes de tension d'approvisionnement. »
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