LE QUOTIDIEN : Dans quel cadre votre institution est-elle amenée à faire des visites d’hôpitaux psychiatriques ? Et ces visites sont-elles fréquentes ?
ADELINE HAZAN : La loi du 30 octobre 2007, complétée par celle du 28 mai 2014 nous donne compétence pour visiter tous les lieux où des personnes sont privées de liberté. Cela comprend donc les hôpitaux psychiatriques qui reçoivent des personnes hospitalisées sans leur consentement mais aussi les chambres sécurisées dans les hôpitaux, les unités pour malades difficiles (UMD), des unités médicojudiciaires (UMJ) ou des unités d’hospitalisation sécurisées interrégionales (UHSI)… Depuis la création de l’institution, nos services ont réalisé 173 visites d’établissements de santé, sur un total de 429 établissements répertoriés, parmi lesquels 270 CH/CHS, 87 chambres sécurisées, 8 UHSI, 10 UMD, et 47 UMJ. J’ai fait de la question de la psychiatrie une de mes priorités d’action. Et je compte, d’ici la fin de mon mandat (en 2020), que tous les hôpitaux aient été visités au moins une fois.
Comment se déroulent vos visites ?
La loi nous donne la possibilité de les annoncer à l’avance ou d’arriver sans prévenir. Nous n’avons pas de règle fixe en la matière et nous décidons au cas par cas. Ensuite, pour chaque visite, nous passons au moins 5 jours ouvrables au sein de l’établissement. Pour les grosses structures, nous pouvons rester deux semaines. Le principe est d’être en immersion totale au sein de l’établissement avec une équipe de 5 à 8 contrôleurs. Une fois sur place, nous avons accès à toutes les informations que nous jugeons nécessaires. Nous visitons les lieux, nous rencontrons les personnels et les patients qui le souhaitent. Depuis la loi du 28 mai 2014, nous avons aussi la possibilité de consulter les dossiers médicaux des patients avec toutefois une réserve : seul un contrôleur médecin peut avoir accès à ces dossiers.
Les contrôleurs sont-ils amenés à vérifier le bien fondé des hospitalisations sans contentement ?
Non, nous n’avons pas la compétence pour dire si telle hospitalisation est justifiée ou pas. Notre rôle est de vérifier si, pendant cette hospitalisation sous contrainte, les droits fondamentaux des personnes sont ou non respectés. Nous regardons par exemple si les contraintes liées à leur état de santé, ainsi qu’à leur sécurité ou celles du personnel, n’entravent pas la liberté des patients d’aller et venir au sein de l’établissement ou dans les espaces verts ou les jardins qui sont attenants. Et nous dénonçons les pratiques qui nous semblent injustifiées ou trop systématiques.
Lesquelles par exemple ?
On constate une tendance à parfois infantiliser les personnes. Ce que nous dénonçons de manière régulière, c’est aussi le port obligatoire du pyjama alors que les patients souhaiteraient pouvoir s’habiller. Dans certains endroits, on constate que ce port du pyjama n’est pas imposé par des raisons médicales mais présente un caractère systématique. Et quand nous demandons des explications, on nous répond souvent : « il faut bien qu’ils se rendent compte qu’ils sont malades… ». On peut concevoir une justification thérapeutique dans certains cas précis mais pas ces pratiques généralisées. C’est la même chose pour la suppression de l’accès au téléphone, à internet ou des relations avec les proches. Il est certes légitime que, dans certains cas (anorexie…), il soit médicalement nécessaire d’instaurer une coupure entre le patient et le monde extérieur. Mais, lorsque, comme cela existe dans certains établissements, l’absence de tout contact est imposée de manière systématique pour tous les patients, nous le dénonçons comme contraire au droit au maintien des liens familiaux des personnes privées de liberté.
Quel regard avez-vous sur les pratiques de mise à l’isolement ou de la mise sous contention des patients ?
C’est une de nos préoccupations majeures. D’abord, nous faisons le constat que ces mises à l’isolement ou le recours à la contention sont de plus en plus nombreux au fil des ans, sans que les causes de cette augmentation ne soient expliquées. Là encore, on conçoit que ces mesures puissent, dans certains cas, être justifiées sur un plan thérapeutique. Mais pour nous, elles doivent toujours constituer la mesure de dernier recours. Or, nous observons que ce type de pratiques est parfois employé pour faciliter le travail d’un personnel de moins en moins nombreux. Mais aussi parfois, et c’est inacceptable, à des fins punitives contre les patients. Ce que nous avons également beaucoup dénoncé, c’est le fait qu’il n’existait aucun registre où étaient mentionnés le début et la fin de la mise à l’isolement ou de la contention, son motif et le nom de la personne qui avait pris cette décision. Heureusement, la loi santé, actuellement en cours de discussion au Parlement, prévoit de rendre obligatoire ce registre ; la loi va également, et c’est la première fois, affirmer le caractère de dernier recours de ces mesures, ce qui constitue une avancée importante.
Les hôpitaux psychiatriques sont-ils obligés de suivre vos préconisations ?
Nous n’avons pas de pouvoir d’injonction mais un pouvoir de recommandations. À la fin de chaque mission, nous envoyons un rapport à l’établissement ainsi qu’un rapport définitif au ministère de la santé.
Contrôlez-vous les modes de comparution des patients hospitalisés sans consentement devant les juges des libertés et de la détention (JLD) ?
Oui, c’est un sujet important. Et nous avons accueilli avec satisfaction la loi de 2013 qui oblige les hôpitaux à disposer d’une salle d’audience, afin d’éviter le transfert des patients vers les palais de justice. Cette pratique est plus respectueuse et plus protectrice pour les patients qui ne seront plus contraints de se déplacer dans un tribunal et d’y côtoyer des personnes menottées qui attendent une comparution devant un juge d’instruction.
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