AMP pour les couples de femmes et les célibataires, autoconservation : les Français sont divisés

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Publié le 08/07/2016
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Crédit photo : S. TOUBON

Doit-on ouvrir l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux femmes seules ou en couple avec une autre femme ? Doit-on généraliser l'autoconservation ovocytaire ? En un mot, doit-on ouvrir l'AMP à des indications sociales, et non seulement la circonscrire à des indications médicales ? Les Français semblent encore partagés, révèle une enquête Odoxa pour la clinique barcelonaise Eugin, menée en mai 2016 auprès de 1 020 adultes Français et 2 986 Européens (Français, Britanniques, Allemands, Italiens, et Espagnols), selon la méthode des quotas.

Les Français sont ainsi 60 % (61 % pour les femmes, 52 % pour les hommes) à être favorables à l'AMP pour les femmes célibataires. Une proportion qui descend à 54 % lorsqu’il s'agit de l'AMP pour les couples de femmes. « En 1986, seulement 24 % des Français étaient pour ; les opinions évoluent », commente Céline Bracq, directrice générale de l'Institut Odoxa.

La France se maintient aux côtés de pays comme l'Italie ou l'Espagne, où l'AMP pour une femme seule est mieux acceptée que pour un couple de femmes (54 % d'opinions favorables pour les célibataires vs 39 % pour les couples en Italie, 86 vs 76 % en Espagne), à la différence de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, où les proportions s'inversent (respectivement 51 vs 58 % et 54 vs 60 %).

S'émanciper de l'« horloge biologique »

La congélation des ovocytes pour des raisons non médicales divise en France (51 % pour, 49 % contre) - où l'ouverture du don aux nullipares prévoit la possibilité d'une auto-conservation, tout en restant dans des indications thérapeutiques - comme en Europe. Si la pratique est acceptée là où elle est autorisée (77 % de pour en Espagne, 54 % en Grande-Bretagne) et regardée comme un progrès médical et social, une possibilité de s'émanciper de l'« horloge biologique », elle est rejetée par les Italiens (62 %) et les Allemands (55 %).

En cause : la peur de l'exploitation commerciale de la détresse des femmes, l'idée d'une technique contre nature, et la crainte de voir conforter la maternité comme un obstacle à la carrière. Les Français sont d'ailleurs une majorité à dénigrer l'initiative de Facebook et Apple de financer l'autoconservation ovocytaire de leurs salariées, à l'opposé des Espagnols qui sont 63 % à saluer la proposition.

Derrière ces opinions, se dessine l'attachement des Français au modèle actuel de l'AMP réservée aux indications médicales et entièrement prise en charge par la société, à la non-commercialisation du corps humain, et au don anonyme, gratuit et bénévole. « Les Français ont été pionniers dans l'AMP avec en 1982 la naissance d'Amandine. Mais depuis les lois de bioéthiques de 1994, et malgré deux révisions en 2004 et 2011, les évolutions ne se font plus sur les questions sociétales », interprète Laurence Brunet, juriste (université Paris I Panthéon Sorbonne et centre éthique de Cochin).

Méconnaissance et tabou

Les Français se révèlent peu enclins aux dons de gamètes. Ainsi, 58 % des hommes se déclarent peu favorables à faire un don de sperme (contre 65 % d'Espagnols, et 53 % d'Allemands), une proportion qui s'élève à 67 % pour les Françaises, voire 75 % des Britanniques et des Allemandes (ces dernières n'ayant pas le droit).

Parmi les raisons invoquées à ce rejet, figurent l'impression d'être mal informés et la peur du traitement médical (pour le don d'ovocyte). L'argent est une motivation pour moins de 10 % des Européens. En revanche, l'attitude à l'égard de l'anonymat est ambiguë : si les Allemands et les Européennes y voient un frein, sa levée est décriée par les Britanniques.

Domine surtout l'impression d'une méconnaissance de l'AMP et des problématiques liées à la fertilité, résume les auteurs de l'enquête. Ainsi les Européens datent le pic de fertilité à 27 ans, alors qu'il se situe au-dessous. « Il y a une confusion entre l'âge sociétal et l'âge biologique », regrette le Dr Amélia Rodriguez, directrice médicale de la Clinique Eugin. La confusion règne aussi sur la notion d'infertilité (qui n'est pas seulement impossibilité, mais aussi difficulté à procréer) et sur ce que recouvre l'AMP (trop souvent réduite à l'insémination artificielle et la FIV).

« 10 % de la population générale est touchée par l'infertilité dont la première cause est l'âge. Les gynécologues et les médecins doivent pouvoir aborder ce sujet avec les femmes le plus tôt possible - même si la patiente vient pour une contraception, pour qu'elles puissent choisir en connaissance de cause » assure le Dr Rodriguez. Une façon aussi de sortir du tabou et de la honte, alors que près de 60 % des Européens pensent qu'il est difficile d'assumer une AMP.


Source : lequotidiendumedecin.fr