LE QUOTIDIEN : Les cliniques ont tendance à emprunter les codes de l’hôtellerie. Pourquoi ?
BENOÎT MEYRONIN : Ce mouvement s’est enclenché il y a quatre ou cinq ans. Il repose sur deux niveaux. Les établissements prennent peu à peu conscience que le service hôtelier peut être un élément de différentiation important. Les patients sont incapables de juger de la qualité des soins, faute de compétences. Mais ils peuvent émettre une opinion sur toutes les prestations périphériques. C’est donc à ce niveau que se joue la compétition.
Par ailleurs, les patients viennent désormais à l’hôpital comme à l’hôtel. Un comportement de consommateur s’installe. Sur Internet, sur les forums, on compare, on échange sur la qualité des services proposés dans les établissements de santé… comme on le fait sur les sites dédiés à l’hôtellerie et à la réservation, du type Tripadvisor.
Les patients attendent-ils des services hôteliers haut de gamme sur une spécialité plutôt qu’une autre ?
La grossesse laisse largement le temps aux futures mamans de s’informer sur les différents établissements, de les comparer, puis de sélectionner le bon. Les maternités sont donc attendues au tournant sur le volet hospitalier – que ce soit d’ailleurs dans le privé ou le public. Il ne s’agit pas d’un phénomène de secteur, même si les cliniques sont à l’avant-garde. J’ai travaillé avec un groupe de mamans, patientes de la maternité de l’hôpital de Villefranche-sur-Saône (Rhône), sur la qualité de leur séjour et les points d’amélioration dans l’offre de services. Aucune n’a abordé l’accouchement. La conversation a tourné autour du manque de climatisation en été, de la nourriture plus ou moins bonne, du degré de confort hôtelier, de l’absence de trousse de toilette de première nécessité, etc.
Comment réagissent les médecins face à ces nouveaux comportements ?
Le corps médical n’a pas encore pris conscience de la préoccupation hôtelière grandissante des patients. Cette tendance va de pair avec la volonté d’en finir avec le rapport historique et culturel dominant/dominé. Les patients sont à la recherche d’égalité avec leur médecin. Mais les praticiens ignorent pour l’instant le changement comportemental de ceux qu’ils soignent. C’est dommage car l’attitude du professionnel de santé influe sur son fonds de commerce.
Prenons le marketing de service dans les cabinets dentaires, où les patients se plaignent souvent de l’attente. Installer une machine à café dans la salle d’attente peut changer le regard du patient sur le professionnel. Dans les cinq ans à venir, le plus gros enjeu pour les établissements sera de réussir à transformer le comportement des médecins et des équipes soignantes. Viendra également l’innovation dans l’offre de services et de soins puis la restructuration des lieux. Désormais, la chambre d’hôpital doit ressembler le moins possible… à une chambre d’hôpital.
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