La chronique de Richard Liscia

Campagne, la confusion : la popularité de Le Pen au zénith

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Publié le 23/02/2017
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Fillon cherche son second souffle

Fillon cherche son second souffle
Crédit photo : AFP

L'éthique précède-t-elle ou suit-elle le projet politique ?  M. Fillon a tranché : ses déboires judiciaires personnels ne doivent pas obérer sa légitime candidature. Certes, il aurait pu se démettre. On reconnaîtra qu'en s'accrochant à sa position, il a mis dans sa décision la fureur, la colère, l'arrogance inspirés par le procès qui lui est fait et a minimisé tout en même temps la gravité des faits qu'on lui reproche. Des éléments jouent contre lui : son évidente difficulté à faire campagne dans une atmosphère hostile ; la propension des juges du Parquet national financier à ignorer l'immense responsabilité politique qu'ils sont en train de prendre ; le risque d'une désaffection des électeurs de M. Fillon ; celui de rester en carafe au premier tour et d'abandonner son électorat au plus cruel des dilemmes. 

Mais en même temps, avec une vigueur que l'on aurait davantage attendue d'un Sarkozy que d'un Fillon, le voilà qui, pour une fois, prend en mains son destin, s'impose à ses pairs en dépit d'une blessure qui le handicape, recourt à l'autoritarisme au moment où il est affaibli. De l'épreuve, il peut sortir grandi ou battu. Mais il a su tirer son choix du fait qu'aucune solution, de prime abord, ne paraissait fiable. Il a même pensé et dit qu'il y aurait plus de chaos dans la recherche d'un remplaçant qu'il n'y en aura, à terme, une fois qu'il aura fait accepter à son électorat le maintien de sa candidature. Au fond, il lui demande, non sans condescendance, d'ignorer le scandale et de voter pour son programme.

Si l'on excepte le cas de Marine Le Pen, sur qui glissent toutes les accusations et qui, de ses démêlés avec le Parlement européen, sort totalement indemne, ce qui scandalise M. Fillon, les autres candidats ne vivent pas non plus une campagne électorale particulièrement tranquille. Emmanuel Macron parle trop pour ne rien dire ou pour évoquer des sujets trop polémiques, ce qui jette un doute dans l'opinion sur sa carrure présidentielle. L'enthousiasme, peut-être excessif, de ses partisans, pourrait retomber. En tout cas, il commence à prendre des coups et seulement par sa faute. 

Le triomphe de la fronde

Quant à la gauche, elle est dans l'état où elle a abordé la primaire, la victoire indéniable de Benoît Hamon ne convainquant  que ses amis, tandis que le reste du parti socialiste assiste médusé au triomphe de la fronde, qu'il ne souhaitait pas mais auquel il fait bonne figure, sous l'aiguillon disciplinaire de Jean-Christophe Cambadélis. M. Hamon est bon pour une primaire, l'est-il pour une présidentielle ? Là aussi, la quasi-certitude d'une défaite dès le premier tour l'incite très logiquement à trouver des troupes fraîches. Et là, tout est question de chiffres. Il y a un homme qui fait un score honorable dans les enquêtes d'opinion, c'est Jean-Luc Mélenchon. M. Hamon lui propose un pacte, le chef de la « France insoumise » refuse avec mépris.

Ce qui est presque incroyable, dans ces tractations, c'est que le comportement des acteurs transcende un enjeu politique historique. Je ne sais pas si la gauche peut l'emporter, mais il me semble que l'important, pour elle, c'est de s'unifier autour d'un seul nom pour écarter les camps rivaux. Mais, pour M. Mélenchon, ce qui compte, c'est son aventure personnelle, c'est ce voyage si gratifiant qu'il fait dans une campagne qui lui permet de parler aussi souvent et aussi longtemps que Fidel Castro, dont il vénère le souvenir. Jamais il n'a extrait autant de voluptés de la politique. Il a donc raison d'alimenter son bonheur, mais du coup, l'abîme séparant les deux gauches offre à la droite une occasion de surmonter ses propres difficultés. Elle n'a pas beaucoup de temps : à 44 % d'intentions de vote au second tour, Marine Le Pen n'est pas loin de l'emporter.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9558