Maillon fort de la stratégie nationale de santé, le « virage ambulatoire » (moins de séjours hospitaliers lorsque c’est possible et justifié) doit procurer 370 millions d’euros d’économies, précise le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), dont 100 millions d’euros au seul titre de la chirurgie ambulatoire.
Lors de sa récente audition sur le budget de la Sécu par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, Marisol Touraine a reprécisé ses objectifs : un acte chirurgical sur deux devra être réalisé en ambulatoire à l’horizon 2017, contre 40 % aujourd’hui. Au printemps, la ministre s’était fixé un cap un peu plus ambitieux, souhaitant qu’un patient opéré sur deux puisse rentrer chez lui le soir même « dès 2016 ».
Quoi qu’il en soit, le gouvernement espère dégager jusqu’à un milliard d’euros d’économies en trois ans.
« On nous laisse nous débrouiller »
Ces ambitions se heurtent souvent à la réalité du terrain. Lors d’un colloque que vient d’organiser l’Union des chirurgiens de France (UCDF), de nombreux médecins ont témoigné des obstacles qui freinent encore le développement de la chirurgie ambulatoire.
Président de l’UCDF, le Dr Philippe Cuq pratique l’ambulatoire depuis 20 ans. Le chirurgien vasculaire déplore le fossé entre les initiatives innovantes des professionnels, à l’énergie mais éparses, et le manque de soutien concret des pouvoirs publics pour installer la chirurgie ambulatoire (défi qui suppose de réorganiser les établissements, les procédures de prise en charge, d’accompagner les professionnels dans l’évolution de leurs pratiques et l’acquisition de compétences spécifiques). « On parle de chirurgie ambulatoire à tout va, s’agace le médecin. Mais rien ne pourra se faire sans les soignants. »
Le Dr Jérôme Villeminot, chirurgien orthopédique à Haguenau (clinique Capio) témoigne lui aussi de ce décalage. Pionnier, le médecin pose 60 % de prothèses du genou en ambulatoire. « Mais quand j’ai contacté l’ARS pour lui faire part de mes travaux, on m’a dit que je n’avais pas le droit d’opérer ainsi, car l’acte d’injection d’un anesthésiant local n’existe pas au niveau de l’articulation dans la nomenclature infirmière », raconte-t-il. L’ARS n’a ni stoppé la pratique du chirurgien, ni ne l’a encouragée. Un statut quo un peu désespérant.
Patron de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), Lamine Gharbi partage l’amertume des médecins précurseurs. « 51 % de l’activité chirurgicale du privé est ambulatoire, souligne-t-il. Mais au lieu de nous accompagner dans notre développement, on nous laisse nous débrouiller seuls ». Même son de cloche chez Vivalto Santé (14 cliniques) : « Ambulatoire ou pas, la contrainte pour nous est d’obtenir nos renouvellements d’autorisation d’activité, bien trop souvent levés au profit du public », regrette Daniel Caille, président. En progression de 4 % par rapport à 2013, le taux de chirurgie ambulatoire du groupe atteint 57 % en 2014.
Petite chirurgie
À l’hôpital public, le manque d’investissement chronique pour réorganiser le parc chirurgical classique ou adapter les locaux, la barrière de la formation médicale mais aussi le poids des habitudes expliquent en partie le retard du secteur (taux d’ambulatoire de 23 % en CHU, 31 % en CH, 37 % dans le privé non lucratif). Or, pour changer de braquet, il faudrait que les établissements restructurent leurs unités chirurgicales, repensent leur modèle économique et leur relation avec la médecine de ville, suggère la toute nouvelle « société française de chirurgie ambulatoire » (SFCA, fondée cet été par les chirurgiens libéraux de l’UCDF). « Avec l’ambulatoire, on passe d’une logique de séjour à une démarche de parcours », résume la SFCA.
Les soignants, eux, devront intégrer une nouvelle approche interdisciplinaire, accepter d’autres contraintes (disponibilité accrue dans certains cas). « Les équipes de soins ont pris le virage ambulatoire, mais les médecins, eux, ne sont pas encore tous convaincus, estime la Fédération hospitalière de France (FHF). Et certains pensent encore qu’il s’agit de petite chirurgie. »
Sécurité juridique
Le risque associé à toute nouvelle pratique opératoire peut aussi refroidir. Selon une étude récente de la société savante Asspro scientifique, 92 % des chirurgiens libéraux souhaiteraient suivre une formation médico-légale à l’ambulatoire. L’assureur SHAM travaille en concertation avec le Dr Jacques Caton, chirurgien orthopédique à Lyon, dans le cadre d’un comité du risque assurantiel, créé il y a trois semaines. « Nous cherchons à savoir s’il existe un risque spécifique à l’ambulatoire », précise le médecin au « Quotidien ». Le comité travaille à l’élaboration d’un répertoire de la pratique ambulatoire autour de trois types de chirurgie orthopédique : le pied, les ligaments du genou et l’arthroscopie de l’épaule.
Pour certains, seules des incitations financières très fortes pour les médecins qui pratiquent l’ambulatoire (et non pas seulement pour les établissements) pourraient doper la démarche. L’UCDF réclame une hausse de 30 % des tarifs des actes réalisés en chirurgie ambulatoire. L’assurance-maladie, qui était représentée au colloque du syndicat, a prévenu les professionnels : par les temps qui courent, pas la peine de s’attendre à des « annonces tonitruantes » sur les tarifs.
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