LE QUOTIDIEN – Vous avez à la fin du mois de juillet écrit au DG de l’AP-HP une lettre très directe mais dont on sent que chaque terme a été pesé au trébuchet (voir encadré). L’AP-HP, son plan stratégique, sa place dans la région et, surtout la tutelle qu’exercera sur elle l’ARS… : ce sont des sujets ultrasensibles ?
CLAUDE ÉVIN – L’AP-HP est aujourd’hui confrontée à une situation qui n’est simple ni pour elle, ni surtout pour ses médecins et pour ses personnels. L’évolution des pratiques médicales, celle des missions de l’AP-HP (par exemple dans le domaine de la formation, avec la loi LMD), celle de la recherche… en sont la raison tout comme le sont dans un autre registre les évolutions liées à la réflexion sur le Grand Paris ou sur le schéma régional de développement de l’Ile-de-France. L’AP-HP ne peut pas ignorer l’impact qu’auront sur elle les changements de comportements de la population.
Dans ce contexte, je souhaite la rassurer : oui, c’est une grande institution et une grande institution de service public.
Le plan stratégique de l’AP-HP n’est-il pas fait pour s’adapter aux grandes mutations que vous décrivez ?
La réflexion sur ce plan stratégique se termine. L’AP-HP a conduit là un excellent travail, s’est livrée à une vraie réflexion, en profondeur. Rappelons qu’il s’agit de l’un des plus gros établissements publics de notre pays ; je ne suis pas certain que d’autres structures comparables dans d’autres secteurs d’activité aient eu le courage d’engager une telle démarche ! Même si le document final du plan n’est peut-être pas totalement à la hauteur du travail conduit, il reste déterminant quant aux évolutions que l’AP-HP doit opérer. Je me suis exprimé sur ce point au conseil de surveillance qui s’est tenu le 13 juillet.
Ma position est claire : je n’interviens pas dans les débats internes de l’AP. En revanche, après l’adoption du plan stratégique, j’aurai à élaborer avec la direction générale de l’AP-HP un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) et à approuver un plan global de financement pluriannuel (PG). C’est dans cette optique que j’ai donné au conseil de surveillance un certain nombre de repères sur la manière dont il me semble que l’AP-HP doit s’inscrire dans ses missions (que l’on parle de recherche, de la place de « leader » de l’institution ou de sa très forte vocation de service de proximité).
Vous insistez auprès de l’AP-HP sur son intégration dans le territoire francilien. A-t-elle encore beaucoup à accomplir sur ce point ?
Il y a des progrès à faire. L’AP doit inscrire sa démarche dans son environnement régional. J’ai évoqué la réflexion sur le Grand Paris ou le schéma régional de développement. Que souhaitent en l’occurrence les pouvoirs publics ? Que l’on sorte d’un mouvement des Franciliens très ciblé sur le centre de Paris au bénéfice d’un rayonnement des services, des transports, sur le pourtour de la région. J’ai donc besoin d’une offre de soins réellement adaptée. Des mouvements existent déjà dans ce sens – je pense à Lagny-Coulommiers-Meaux, Poissy-Saint-Germain… Mais plus globalement, il y a une organisation territoriale de l’offre de soins qui concerne directement l’AP-HP. Citons des situations très concrètes : Louis-Mourier et le Centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre, Henri-Mondor et le CHIC de Créteil, l’organisation des soins en Seine-Saint-Denis… Cet exercice n’est pas simple ; l’AP-HP doit le mettre en œuvre.
Vous avez annoncé votre intention d’engager un audit comptable et financier de l’AP-HP. C’est sans précédent…
Il s’agit d’une approche normale, qui sera naturellement copilotée avec l’AP-HP. Cela fait maintenant cinq mois que j’ai pris mes responsabilités, cet audit sera une sorte de bilan d’entrée.
Au-delà de cet audit, vous demandez à la direction de l’AP-HP de vous fournir des chiffres précis. Par exemple de produire et de communiquer à l’ARS des indicateurs de performance, ou encore de vous faire partager des informations de gestion à l’échelle des groupes. Qu’allez-vous en faire ?
J’en ai besoin pour avoir une bonne connaissance de ce qui se passe. Je ne peux pas avoir un dialogue avec l’AP-HP si je n’ai pas cette connaissance. Ceci étant, je le répète, je n’ai pas l’intention de me substituer à la direction générale, ni au conseil de surveillance de l’AP.
Quant à l’échelon des groupes hospitaliers, si on veut que l’institution s’intègre dans son environnement régional, il me paraît pertinent. L’AP-HP a fait le choix de ce découpage et il est excellent. Ces groupes remplissent une mission vis-à-vis de la population. Et puis ils travaillent à côté d’autres établissements et des coopérations sont nécessaires : avec d’autres hôpitaux publics autour de Paris ; plus souvent avec des ESPIC [établissements de santé privés d’intérêt collectif, NDLR] à l’intérieur de la capitale. Je veux donc que l’on ait une référence pour que l’organisation de l’offre de soins, dans l’intérêt de la population, soit optimale.
Votre exigence de transparence passe-t-elle bien ?
On est dans une relation différente de celle qui existait précédemment entre l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH) et l’AP-HP. Parce que la loi HPST [Hôpital, patients, santé et territoires] a modifié le cadre de l’exercice de la tutelle. Et puis, aussi, parce que j’en ai la volonté. J’ai une démarche de dialogue et d’appui.
La mettez-vous en œuvre sur le délicat dossier « Trousseau » ?
Je me suis refusé à interférer dans ce débat dont je considère qu’il est interne à l’AP-HP. La question de Trousseau est très importante au regard de l’organisation de la pédiatrie spécialisée de Ile-de-France. Mais le positionnement géographique de cette activité très spécialisée à l’intérieur de l’AP-HP n’a pas d’impact sur l’organisation globale de l’offre de soins en Ile-de-France. Moi, ce qui m’importe, c’est que l’on ait dans la région une pédiatrie spécialisée à la fois bien organisée et de grande qualité.
Est-ce la fin d’une époque ?
Je ne le pense pas, l’AP-HP n’a pas commencé à se poser des questions avec l’apparition de l’ARS. Elle est confrontée à des contraintes de plus en plus difficiles, complexes, lourdes… Elle doit évoluer et le directeur général Benoît Leclerc a su engager un mouvement nécessaire. La réorganisation interne crée évidemment de l’incertitude, de l’inquiétude. Les médecins de l’AP ont besoin de savoir où ils vont. Mon rôle est de contribuer à donner du sens au changement et de l’accompagner.
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