LE QUOTIDIEN. Est-ce qu'on peut dire qu'il y a eu des nouveautés dans le domaine de la contraception ces 12 derniers mois ?
Dr BRIGITTE LETOMBE. Pas vraiment, mais il faut quand même souligner la mise à disposition d’un nouveau patch, de troisième génération, à base de gestodène, un peu moins dosé en éthinyl œstradiol que le patch Evra. Il n'est évidemment pas remboursé, et le non-remboursement de nombreux moyens contraceptifs en France est un réel problème. Aujourd'hui, les seuls contraceptifs pris en charge sont les pilules de 2e génération, l'implant et les DIU. Or, d’autres modes d’administration des œstroprogestatifs que la voie orale, patchs et anneaux vaginaux, ont leur raison d’être mais sont malheureusement très coûteux et non pris en charge. Ce qui se révèle de plus en plus d'actualités au fil des ans, c'est la baisse de confiance des femmes dans toute nouveauté contraceptive !
Pour quelles raisons ?
En grande partie depuis la polémique de 2012-2013 sur le risque thromboembolique des pilules « 3G » et « 4G ». Quand les femmes (et même les professionnels) pensent « pilule » aujourd'hui, ils n’envisagent que la 2e génération, perçue – à tort – comme sans risque, puisque tout estroprogestatif augmente ce risque. Tout ce qui a suivi (3G, 4G et même les pilules à l’œstradiol) est vécu comme plus dangereux et suspect. Le déremboursement des 3G (le remboursement ne datait que de 2009, sur les mêmes résultats d’études épidémiologiques) a eu un effet massif de perte de confiance et d’arrêt intempestif de la contraception orale, loin d’être remplacée comme on a pu l’écrire par d’autres moyens efficaces (DIU).
Il faut rappeler quand même que cet arrêt des contraceptions autres que 2G n’a concerné que la France et le Danemark. Ailleurs en Europe, les pourcentages de prescriptions des 3 et 4 G sont de 70 à 80 % des OP alors que chez nous, même avant la polémique, il n’était que de 55 %, tout comme en Angleterre (touchée par le « pill scare » de 1995).
Vous avez aussi, les gynécologues, à démonter les assertions de certains confrères qui accusent la pilule de tous les maux ?
Exactement ! Et n'en déplaise au Pr Joyeux, la pilule peut être thérapeutique (endométriose, dystrophie ovarienne) et ne donne pas le cancer ! Elle protège au contraire et de façon notable du cancer de l'ovaire, de l'endomètre, du côlon. S’il existe un petit surrisque de cancer du sein, c’est durant la prise et il disparaît à l’arrêt (effet dépistage). Quant au risque de cancer du col, il est lié à l’HPV et vraisemblablement davantage au comportement sexuel différent (utilisation moindre du préservatif) *.
Est-ce que la polémique sur la pilule a quand même eu certains effets positifs ?
On espérait que les femmes se tourneraient vers d'autres moyens contraceptifs. Certes, elles consultent plus souvent aujourd'hui pour la pose d'un DIU. Mais toute médaille a son revers. Le DIU n'est sûrement pas le contraceptif de choix chez des jeunes filles aux cycles très irréguliers, qui ont des problèmes de peau, qui présentent des ménorragies. Ces femmes ne réalisent pas que si la contraception orale a ses risques, la pose d'un stérilet également. La pilule a l'intérêt d'éviter les kystes fonctionnels, de diminuer les ménorragies, la dysménorrhée et le risque d'endométriose. J’ai pour habitude d’insister sur le fait que cette contraception préserve la fertilité ultérieure, par ses bénéfices additionnels.
Au XXIe siècle, pour qu’une contraception soit suivie au long cours (observance et persistance) il faut qu’elle apporte du plus, au niveau de la qualité de vie, ce qui est le cas de la contraception hormonale (amélioration de la dysménorrhée, du syndrome prémenstruel voir gestion du calendrier de règles, aménorrhée). Il faut lutter contre trois idées fausses majeures que sont les risques de cancer, de baisse de la fertilité, de prise de poids. Les derniers chiffres d’utilisation contraceptive sont dramatiques : tous les modes de contraception voient leur utilisation baisser, y compris l'implant et le DIU, au profit de méthodes naturelles, loin d’être efficaces. Il faut garder à l'esprit que plus de 200 000 avortements sont pratiqués chaque année. Certes, le chiffre est stable, moins de femmes y ont recours, mais les femmes concernées y ont recours plusieurs fois…
* À lire sur le site du CNGOF : http://www.cngof.fr/actualites/465-les-contreverites-du-pr-joyeux-nuise…
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