« Contraire aux principes des droits humains », « non-sens » économique : trois sociétés savantes vent debout contre le projet de suppression de l'AME

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Publié le 18/04/2023
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Crédit photo : Garo/Phanie

C'est une offensive contre l'aide médicale d’état (AME) qui provoque un tollé médical. Déjà adopté le 15 mars au Sénat, dans le cadre du projet de loi immigration, un amendement défendu par 20 sénateurs – avec en tête la sénatrice LR du Var Françoise Dumont – propose la suppression de l’AME, accessible aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire depuis plus de trois mois, au profit d’une aide médicale d'urgence (AMU) centrée sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d’un droit de timbre.

Le même texte énumère les soins qui bénéficieraient toujours d'une prise en charge avec dispense d'avance des frais au titre de cette aide médicale d'urgence : la prophylaxie et le traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, les soins liés à la grossesse et ses suites, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.

Dans ce contexte, trois sociétés savantes – la Société de pathologie infectieuse (SPILF), la Société de réanimation de langue française (SRLF) et la Société française de médecine d’urgence (SFMU) – dénoncent ce mardi un texte « contraire aux principes des droits humains » avec de lourdes conséquences en termes de santé publique en limitant ainsi « l’accès aux soins primaires, à la prévention et la prise en charge des pathologies chroniques de la population fragile visée ».

0,4 % des dépenses de l'Assurance-maladie

Ce n'est pas tout. Alors que les auteurs de l'amendement justifient leur initiative par la croissance continue des dépenses liées à l’AME – à hauteur de 1,2 milliard d’euros en 2023 – les trois sociétés savantes considèrent cet argument comme « un non-sens » économique

Très loin de limiter les dépenses, cette réforme sera « coûteuse » pour la Sécurité sociale, affirment au contraire les trois sociétés savantes, entraînant par ricochet une « surcharge non supportable » des permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et des urgences déjà saturées, une « sur-sollicitation des ressources spécialisées (soins spécialisés, hospitalisations et recours aux soins critiques) » et même « une augmentation des durées d’hospitalisations du fait de l’impossibilité de transférer des malades en soins de suite et de réadaptation »

De surcroît, recadrent les trois organisations, le coût des soins couverts par l’AME, bien que « significatif » en valeur absolue, ne représente que « 0,4 % » des dépenses de l’Assurance-maladie en France « au bénéfice d’une population surexposée aux maladies infectieuses transmissibles, aux maladies chroniques non transmissibles et à la souffrance psychique notamment en lien avec leurs conditions de migration et de vie ».

Pas de surconsommation inutile

Et face aux arguments habituels selon lesquels les bénéficiaires abusent de ce  dispositif de soins gratuits, les trois sociétés savantes soulignent que les travaux des économistes de la santé « ne concluent pas à une surconsommation de soins inutiles » et font même, à l’inverse, « le constat d'un non-recours à ce droit important (49 % selon l’enquête Premiers pas, y compris pour les personnes atteintes de maladies chroniques) ».

Ce n'est pas la première fois que l'aide médicale d'État fait l'objet de tentatives de suppression ou de remplacement. Créé en 2000, ce dispositif est la cible de polémiques récurrentes, droite et extrême droite dénonçant un « appel d'air » et réclamant de limiter son périmètre à l'essentiel.

* Positionnement cosigné par le Collège des enseignants de médecine intensive et réanimation (CeMIR), le Collège de réanimation des hôpitaux extra-universitaires de France (CREUF), L’Association nationale des jeunes médecins intensivistes réanimateurs (ANJMIR), le Groupement francophone de réanimation et des urgences pédiatriques (GFRUP) et la Fédération nationale des infirmiers de réanimation (FNIR).

 


Source : lequotidiendumedecin.fr