L'État va indemniser les victimes de la Dépakine « sans chipoter » mais n'exclut pas de se retourner vers « d'autres responsables », a indiqué dimanche 4 septembre la ministre de la Santé et des Affaires sociales, Marisol Touraine, invitée du « Grand Jury » RTL-LCI-« Le Figaro ».
Le gouvernement a annoncé le mois dernier qu'un fonds d'indemnisation serait voté au Parlement d'ici à la fin de l'année pour les victimes de la Dépakine. Interrogée sur le financement de ce fonds, elle a rejeté l'idée d'une taxe sur tous les produits de santé préconisée récemment par le député socialiste Gérard Bapt, estimant que cela n'était ni « très juste, ni très moral ». « Je suis pour que ceux qui sont responsables paient et pas pour que tout le monde mette au pot », a-t-elle déclaré, en citant l'exemple de la responsabilité du laboratoire Servier dans le scandale du Mediator.
Un retard d'information admis des autorités sanitaires
La ministre a également reconnu que les autorités sanitaires avaient tardé à informer des risques encourus les femmes en âge de procréer prenant de la Dépakine, un médicament « très important et très utile » et qu'il « n'est pas envisageable de retirer du marché ». Un discours proche de celui de Dominique Martin, directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), dans son interview au « Quotidien » qui évoquait « un défaut de précaution pendant très longtemps et une insuffisance d'information des patientes ».
« Ce qui est absolument nécessaire, c'est que les femmes soient informées et c'est ce qui a manqué jusqu'en 2010 », a-t-elle insisté, évoquant la date à laquelle une mention explicite des risques du valproate pour le fœtus a été intégrée au résumé des caractéristiques du produit (RCP).
Elle a par ailleurs précisé la mission confiée au début de l'année à deux magistrats concernant les modalités des indemnisations. Ils vont notamment « se prononcer sur le mécanisme de l'indemnisation, sur la date à partir de laquelle on va considérer que l'information devait être donnée, c'est-à-dire la date à partir de laquelle les données scientifiques étaient bien connues, et sur les éventuelles responsabilités des uns et des autres », a-t-elle expliqué.
Chiffres officiels et extrapolations
Les premiers résultats de l'étude menée par l'ANSM et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) font état de 14 322 grossesses concernées et 8 701 enfants nés exposés in utero, entre 2007 et 2014.
De son côté, Catherine Hill, épidémiologiste à l'hôpital Gustave-Roussy estime, en extrapolant ces résultats et les chiffres de ventes de l'ensemble des médicaments à base de valproate depuis 1983, que le bilan entre 1967 et 2015 pourrait s'élever à quelque 50 000 grossesses et 30 000 enfants exposés in utero. Des chiffres mis en avant par l'APESAC.
Interrogée par « le Quotidien », l'épidémiologiste a réagi favorablement aux propos de Marisol Touraine mais met en garde contre le risque de faux prétexte. « La probabilité d’une autre cause que le valproate chez les enfants exposés et atteints est très faible. La recherche de causes génétiques improbables serait donc une perte de temps et d'argent, scientifiquement infondée, sans parler d'un parcours diagnostic pénible et inutile imposé aux familles », a-t-elle confié au « Quotidien ».
Fin août, plusieurs associations dont le collectif interassociatif sur la santé (CISS), les Filles DES et le Réseau DES France (victimes du Distilbène), le collectif de lutte contre les affections iatrogènes médicamenteuses (CLAIM) ou encore la FNATH et l'APESAC avaient plaidé dans un communiqué commun en faveur d'un « véritable fonds ouvert à toutes les victimes d'effets indésirables graves de médicaments », géré par l'Office national des accidents médicaux (ONIAM). Elles appelaient à faire preuve de volonté politique.
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