LE QUOTIDIEN : Quels sont les enjeux économiques du développement des génériques et des biosimilaires en France ?
GÉRARD DE POUVOURVILLE : Ce sont des enjeux énormes. Sur les génériques, il y encore un potentiel de développement important. Plusieurs brevets vont tomber dans les années à venir, même si le rythme de ces chutes n’est pas linéaire. Le brevet du Crestor, qui représente le deuxième poste de dépenses de l’assurance-maladie, va tomber bientôt. Nous n’en sommes pas encore au maximum pour le taux de substitution dans le répertoire. Il y a une marge de progression, non pas dans la substitution directe, mais plutôt dans les habitudes de prescriptions des médecins, qui pourraient initier davantage de traitements avec des génériques plutôt qu’avec des molécules princeps.
Concernant les biosimilaires, nous en sommes au début de leur développement, avec l’arrivée de l’infliximab sur le marché cette année. D’autres vont arriver dans les années à venir, notamment les biosimilaires d’Enbrel et Humira, pour la polyarthrite rhumatoïde, Herceptin, MabThera ou encore Lantus. Même des laboratoires de princeps comme Amgen ou Lilly y croient, puisqu’ils sont en train de développer leur branche de biosimilaires ! D’ici 2017, 7 des 10 premiers médicaments issus des biotechnologies les plus prescrits vont perdre leur brevet et les estimations mondiales sont de 20 à 30 % de croissance par an d’ici 2020. En France, les estimations sur l’infliximab sont de l’ordre de 5 millions d’euros par an.
À quel point la France est-elle en retard dans la substitution par rapport aux autres pays européens ?
Pour les génériques, nous sommes loin du taux de pénétration de pays comme l’Angleterre ou l’Allemagne. Il y a donc encore du grain à moudre. On a réussi à faire 10 milliards d’économies en dix ans, mais ça peut encore progresser. En revanche, pour les biosimilaires, nous ne sommes pas très en retard par rapport au Royaume-Uni, un peu plus par rapport à l’Allemagne, car dans ce pays, les médecins doivent prescrire un quota de biosimilaires. De son côté la Norvège a carrément décidé qu’à partir du moment où il y avait un biosimilaire sur le marché, il devenait le médicament de référence. En France, il y a des professionnels de santé convaincus, des rétifs et d’autres « à convaincre ». Mais vu le potentiel de recettes que les biosimilaires peuvent générer pour un établissement hospitalier, ils sont plutôt une bonne affaire ! Rien que pour le Remicade, les économies potentielles sont estimées à 50 millions d’euros par an, ce qui est l’équivalent du coût d’une innovation thérapeutique. De plus, il y a des raisons de penser que les biosimilaires peuvent être meilleurs que les princeps, car ils bénéficient de technologies de production plus récentes et plus performantes.
Quelles pourraient être les mesures à mettre en œuvre pour encourager le développement des génériques et des biosimilaires en France ?
Les sanctions économiques ne marchent pas très bien et on voit que les rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP) ont eu un effet modéré sur le développement des génériques. Pour moi, le problème n’est pas économique, mais réside plutôt dans la « contre-culture du générique » qui est assez virulente chez certains. La parole publique sur la qualité et la sécurité des médicaments a perdu un peu de sa force et de sa crédibilité à cause de plusieurs scandales et cela a créé un problème de légitimité. Il faudrait trouver des vrais porte-parole crédibles et résoudre ce problème de communication. En revanche, les associations de patients avec lesquelles j’ai discuté n’ont pas tellement d’a priori sur les biosimilaires. Ils ont simplement besoin d’avoir une information objective et raisonnable sur le sujet. Je pense que le déclic initial pour le développement des biosimilaires viendra de l’hôpital. En effet, ces médicaments permettent une concurrence qui accroît la pression sur les prix et les fait baisser, ce qui intéressera forcément les hôpitaux qui ont des budgets à respecter. Sans concurrence, le laboratoire de princeps n’a pas de raison de baisser son prix au-delà de ce qu’on lui impose. Le biosimilaire a donc un double effet économique : son prix est moins élevé, de l’ordre de 20 % voire davantage, et sa mise sur le marché fait baisser le prix du princeps d’au moins 10 %.
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