LE QUOTIDIEN : D'après l'Ordre, la France aura perdu un quart de ses généralistes libéraux entre 2007 et 2025. Êtes-vous inquiet pour la spécialité ?
Dr CLAUDE LEICHER : Nous sommes inquiets depuis dix ans ! Dès 2006, nous avons commencé à publier des articles sur ce sujet. Les pouvoirs publics n'ont pas réagi et ont très peu investi sur la médecine générale. Neuf ans plus tard, nous y sommes. Les responsables politiques, qui se soignent de façon différente du reste de la population, n'ont pas conscience de la gravité de la situation. Ils portent la responsabilité de la désertification. Quand on organise un système de santé, on doit penser d'abord aux soins primaires ; or le président ne s'intéresse qu'à l'hôpital. Je trouve cela honteux. Seuls les maires vivent cela comme une catastrophe.
La CNAM a proposé une aide à l'installation de 50 000 euros. Cela va dans le bon sens ?
Toutes les mesures qui visent à aider les jeunes médecins à s'installer dans les zones fragiles sont bienvenues. Mais elles arrivent trop tard. Il manque aujourd'hui trois à quatre générations de médecins généralistes, qui n'ont pas voulu pas faire ce métier car les conditions d'exercice n'étaient pas correctes, au-delà même de la rémunération. Il y a eu un détournement constant des effectifs vers les urgences, la gériatrie. Cela devrait cesser car ces spécialités sont maintenant des DES [diplômes d'études spécialisées].
Une consultation à 25 euros a été mise sur la table par la CNAM. C'est une victoire ?
Ce sont les généralistes et MG France qui ont imposé que la négociation démarre par la rémunération. Les 25 euros de consultation, nous les avons imposés à la CNAM ! C'est un élément probablement acté, qui représente plus de 500 millions par an, et qui vient s'ajouter aux mesures sur l'ASV. J'espère que cette base de négociation sera largement enrichie. Nous explorons de nouvelles pistes, comme la valorisation de la coordination.
Précisément, une consultation de coordination fait partie des quatre niveaux de tarifs (25, 30, 46 et 75 euros) que vous avez proposés avec d'autres syndicats. MG France porte-t-il toujours cette grille tarifaire ?
Oui. Nous voulons une consultation de base à 25 euros, une consultation de coordination à 30 euros, une à 46 euros pour les visites à domicile, qui sont des actes spécifiques de maintien à domicile des personnes âgées. Enfin, une consultation à 75 euros, très spécifique, est envisageable lorsqu'un patient pourrait être hospitalisé mais que le généraliste fait à la place de l'hôpital un travail de maintien à domicile. Pour MG France, cette nouvelle grille tarifaire vaut pour le médecin traitant – d'où mon discours sur la nécessité d'une nomenclature spécifique au médecin traitant.
Vous réclamez également un forfait structure…
Aujourd'hui, il y a un "delta" de 30 % entre les revenus annuels moyens des généralistes et des autres spécialités. Rapporté aux heures de travail, cet écart atteint même 78 %. C'est la raison pour laquelle, au-delà de la valeur de la consultation, nous promouvons des rémunérations complémentaires pour le généraliste. Les autres spécialités ont les dépassements d'honoraires. Le forfait structure doit donner aux généralistes libéraux les moyens d'embaucher une secrétaire. Il faut construire les choses par étapes. Depuis 30 ans, nous n'avons pas perdu une bataille, nous continuerons donc de mener celle-ci.
L'Académie souhaite que les généralistes soient mieux formés à la pédiatrie. Y a-t-il des lacunes ?
L'Académie de médecine souhaite toujours que les médecins soient le mieux formés possible, mais elle manque de généralistes dans ses rangs. Nous avons toujours des choses à apprendre mais il n'y a pas de hiérarchie du savoir.
À cet égard, la proposition de la CNAM pour valoriser le médecin traitant de l'enfant va dans le bon sens mais ne suffit pas. Nous ne voulons pas être dans une position supplétive, dans les cas où le pédiatre ne peut pas voir l'enfant. Il faut une vraie filière de prise en charge pédiatrique ambulatoire, qui valorise à la fois le généraliste traitant et le pédiatre correspondant. Les syndicats de pédiatres doivent accepter notre rôle. Pour MG France, il n'y a pas de guerre avec eux. Défendons l'exercice ambulatoire !
MG France est le seul syndicat à ne pas boycotter la réunion du comité de pilotage sur le tiers payant, le 15 juin au ministère. Pour quelle raison ?
MG France n'a pas d'ordre à recevoir. Nous irons à cette réunion au nom de tous les syndicats, sinon les médecins libéraux ne seront pas représentés. Notre position sur le tiers payant n'a pas changé : nous ne voulons pas d'obligation.
Si les généralistes ne veulent pas d'une généralisation du tiers payant, c'est aussi parce que nous n'en avons pas les moyens, notamment en matière de secrétariat. Les médecins ne pratiqueront pas le tiers payant dans un système sans garantie et sans simplicité. C'est ce que je dirai au comité de pilotage.
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier
Soumission chimique : l’Ordre des médecins réclame un meilleur remboursement des tests et des analyses de dépistage
Dans les coulisses d'un navire de l'ONG Mercy Ships