« Le Quotidien » vous propose de faire en trois temps la connaissance d'un médecin de président… pas tout à fait comme les autres.
Dr H. Bornstein saison 1 – Le fils de son père.
Les prénom et nom du père, Dr Jacob Bornstein, pourtant décédé en 1993, sont toujours mentionnés en tête des ordonnances du Dr Harold Bornstein. Diplômé de la Harvard Medical School en 1947, Bornstein père a tout d’abord vécu dans l’arrondissement du Queens, à New York, tout à côté d’une maison de famille des Trump, dont il est ainsi devenu en 1980 le médecin traitant du futur président. Bornstein junior a suivi la filière paternelle. Il a effectué son cursus universitaire à la Tufts University shcool of medecine, à Boston, une faculté classée sixième aux États-Unis par le magazine Science Watch. Il a décroché ses « board certifications » en gastroentérologie et en médecine interne. « C’était un étudiant certainement élégant (smart), et il était réputé pour ses commentaires sarcastiques sur les cours », se souvient le Dr Edward Hurwitz, son condisciple en 1975. « C’était un excellent étudiant, confirme le Dr Mary Davenport, une de ses amies, il avait (déjà) les cheveux longs et se tenait le plus souvent au fond de la classe, pour murmurer des propos irrévérencieux. Mais c’était un excellent étudiant, qui réussissait ses examens avec aisance. »
Le fils rejoignit le père avec lequel il s’associa dans un cabinet de la 78e rue de New York, à Manhattan, non loin de Park Avenue, au premier étage d’un building de briques, pas vraiment une Trump Tower. Il collabore aussi comme « résident » (consultant) au Lenox Hill Hospital, célèbre établissement new-yorkais qui compta parmi ses patients la première dame Pat Nixon, Elizabeth Taylor, le général MacArthur et même Chelsea Clinton, la fille de Bill et Hilary (qui y accoucha deux fois) ; Bornstein junior tient deux consultations, en gastroentérologie et en médecine interne et sa fiche de présentation sur le site de l’hôpital, parmi les 1 327 praticiens référencés, mentionne aujourd’hui encore, dans la rubrique « related news », « Trump’s Doctor ». Car, à son départ à la retraite, Jacob lui confia parmi sa patientèle la santé du magnat de l’immobiliser. 39 ans de prise en charge ont suivi. Sans que Bornstein junior ne se départît de son « genre hippie », de son look décalé avec une extraordinaire chevelure auburn qui ondule jusque sur ses épaules, ni, ajoutent ses amis, de son sens de la provocation.
Et même d’aucuns relèvent des accointances entre les personnalités du médecin et de son patient. Même goût pour la surenchère d’expression, même tendance mégalomane : au dos de ses cartes de visite, le Dr Bornstein a fait imprimer en italien : « dottore molte famoso » (médecin très célèbre).
Pourtant ce n’est qu’en décembre 2015 qu’il a véritablement accédé à la célébrité internationale. Avec un étrange exercice de style.
Dr H. Bornstein saison 2. Un médecin médicalement incorrect.
Alors que, à 70 ans sonnés, Donald Trump est l’homme le plus âgé à accéder à la Maison Blanche (il a sept mois de plus que Ronald Reagan), un seul document médical a attesté lors de la campagne de sa bonne santé, sur un mode peu scientifique : « S’il est élu, M. Trump, je peux l’assurer sans équivoque, sera l’individu en meilleure santé (healthiest) jamais élu à la présidence », certifie le Dr Bornstein, qui précise qu’il est son médecin personnel depuis 1980. Il ajoute que « ses tests en laboratoire sont étonnamment excellents » ; qu’il « n’a jamais eu de problème médical significatif, que tous ses examens médicaux ont montré des résultats exclusivement positifs. Et « sa force physique est extraordinaire ». Hormis la mention de sa pression artérielle (110/65), de son taux de PSA à 0,15 et de sa prise quotidienne de 81 mg d’aspirine, les quatre paragraphes de ce certificat sont rédigés dans un vocabulaire étrange, avec des termes médicalement incorrects et une conclusion non professionnelle, s’étonne la chaîne CNN, se faisant l’écho des commentaires de nombreux médecins.
À la suite du tollé suscité par ce certificat médical en forme de tract électoral, le Dr Bornstein a avoué six mois plus tard, sur la chaîne NBC, qu’il n’avait consacré que quelques minutes à la rédaction du document : « j’ai écrit quatre ou cinq lignes le plus vite possible pour qu’ils soient contents. Dans la précipitation, je crois que le choix des mots aurait pu être meilleur. J’ai dû m’inspirer de sa façon de parler. »
Un peu plus tard, il en rajoutait : « sa santé est excellente, surtout sa santé mentale. » Des propos censés répondre à trois professeurs de psychiatrie américains, de renommée internationale, qui réclamaient « une expertise mentale et neuropsychiatrique poussée ». Mais c’est une interview donnée fin décembre à Stat News, un média spécialisé sur la santé, qui a jeté le trouble et même suscité la consternation : « Oh, pff… Vous savez, s’il arrive quelque chose, répond le praticien à une journaliste qui s’inquiète de l’âge du nouveau locataire de la Maison Blanche, eh bien il arrive quelque chose ! Il est comme nous tous, non ? C’est pour ça qu’il y a un vice-président et tout un tas de gens, pour qu’il (Donald Trump) puisse mourir ! » Des propos d’une incroyable légèreté, somme toute très éloignés du bulletin triomphaliste de décembre 2015. Et toujours aussi peu empreints de la moindre rigueur médicale.
Du Dr Bornstein pur jus, serait-on tenté d’écrire. Pour aggraver son cas, NBC News vient de révéler que le gastroentérologue new-yorkais continue à utiliser sur son PC professionnel Windows XP, alors même que Microsoft a arrêté de produire des mises à jour pour ce système d’exploitation. Les données qui transitent sur son ordinateur seraient donc exposées à des piratages, en violation à l’Health insurance portability and accountability Act, qui régit la protection des données personnelles des patients.
Mais bon, « Il est désorganisé et ne se comporte pas en milliardaire qu’il est », confie à CNN un de ses patients. « Je lui donne honnêtement cinq étoiles », proteste une autre. Un troisième insiste : « c’est réellement un bon médecin. Le problème, c’est qu’il est lunatique. Parfois, il est distant, face à son ordinateur, et il finit par oublier que vous êtes assis en face de lui. »
Dr H. Bornstein saison 3. Le Comte Harold.
Et si les dérapages de communication du dottore molte famoso, médicalement incorrects, relevaient en fait de la poésie et plus précisément de la poésie épique ? Les médias américains auxquels rien n’échappe ont retrouvé un certain Count Harold, auteur d’une série de poèmes épiques, dont certains ont été publiés, comme « The Magnificent Ten ». Or, ce Comte Harold n’est autre que le gastroentérologue de Manhattan, confirment ses condisciples de la Tufts. Le Dr Edward Hurwitz note qu’il aimait écrire des poèmes étranges en langage coloré, il cite « Ten strange souls », « screamed for blood ».
L’espèce d’hyperbole employée dans ses certificats médicaux, relève le Dr Kevin Donovan, pourrait ainsi trouver son origine dans l’inspiration du poète. Le Dr Bornstein interfère avec le Comte Harold. Le penchant irrésistible du poète rejaillit dans les formulations grandiloquentes du praticien, qui met de l’extraordinaire et de l’épique dans ses certificats (astonishingly excellent, the healthiest individual ever elected…) Le Dr Donavan note aussi l’influence du patient Trump sur son médecin dans l’inspiration d’un « verbiage excessif ». « J’aime bien Donald Trump car je pense qu’il m’aime bien », a confié à NBC le Dr Harold Bornstein. Dis-moi qui tu soignes et je te dirai qui tu es ?
Article initialement publié le 27 février 2017
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