LE QUOTIDIEN : On a entendu, il y a plusieurs mois, un groupe d’experts internationaux alerter que sans réaction de la communauté internationale, la résistance aux antibiotiques devrait causer 10 millions de morts par an en 2050. Ces estimations ne sont-elles pas un peu alarmistes ?
Dr JEAN CARLET : La résistance aux antibiotiques n’est pas contestable. Les tout derniers chiffres à ce sujet sont très éloquents. On estime aujourd’hui à 158 000 par an le nombre d’infections liées à des bactéries multirésistantes, et à 12 500 le nombre de décès. En France on est encore à un niveau d’antibiorésistance relativement modéré, mais il augmente doucement et régulièrement. Dans certains pays, comme la Grèce, l’Italie, l’Inde, la résistance est catastrophique. C’est lié à la fois au mésusage des antibiotiques et à des mesures d’hygiène et d’isolement très insuffisants – une combinaison explosive. Ils en sont à essayer des traitements acrobatiques pour traiter leurs malades. Le sujet a été abordé au dernier G7 santé, les 7 et 8 octobre, avec toute une série de propositions, il a également été pris à bras-le-corps par l’OCDE, l’ONU considère le mettre à l’ordre du jour de la prochaine assemblée… Je ne pense pas que tout ce monde se trompe…
Le plan d’alerte sur les antibiotiques 2011-2016 ciblait une baisse de 25 % de la consommation d’antibiotiques en France d’ici 2016, or vous dites que la consommation continue d’augmenter… Qu’est ce qui n’a pas marché ?
Si les programmes mis en place avaient été efficaces, l’antibiorésistance aurait baissé. Dans les années 2000, la campagne « Les antibiotiques c’est pas automatique » avait suffi à abaisser la résistance de 24 %, mais évidemment ça s’est estompé. Il faut répéter ces campagnes régulièrement, pour responsabiliser les usagers et les professionnels de santé. Les médecins proposent des antibiotiques parce qu’ils ne veulent pas prendre le risque d’une surinfection bactérienne, et puis les patients parfois poussent à la roue pour être traités. Pour diminuer l’automédication et la contamination de l’environnement, des expérimentations ont lieu actuellement, dans une centaine d’officines en France, de dispensation d’antibiotiques à l’unité, comme cela est déjà fait avec succès aux États-Unis par exemple.
Face au constat de l’augmentation de la consommation, Marisol Touraine a établi un groupe de travail et nous a donné 6 mois pour faire des propositions innovantes, originales mais réalistes. Nous lui avons rendu un rapport le 23 octobre, dans lequel nous avons dégagé quatre axes majeurs pour parvenir à limiter la dissémination des résistances bactériennes : approfondir la recherche dans ce domaine, mieux suivre l’évolution de l’antibiorésistance via des indicateurs normalisés, améliorer l’usage des antibiotiques, et accroître la sensibilisation des populations.
Vous avez d’ailleurs émis 4 recommandations qui ont été acceptées par Mme la ministre. Quelles sont elles ?
La priorité est de mettre en place un comité interministériel qui servirait à coordonner les actions entre les différents ministères, qui pour l’instant sont très dispersées. La ministre a indiqué qu’un délégué serait nommé très prochainement.
Il faut mettre en place un programme national pour la recherche dans le domaine de la résistance aux antibiotiques. La recherche en France dans ce domaine est un peu éclatée, elle provient de structures qui ne se parlent pas beaucoup. Donc c’est la coordination de tout ça que les 120 membres de la commission ont souhaité, pour essayer de mettre toutes les forces dans la bataille.
Un autre problème majeur aujourd’hui c’est la rareté des nouveaux antibiotiques. Leur retour sur investissement est considéré comme trop faible par les industriels. Nous proposons de considérer les antibiotiques comme une classe de médicaments à part, pour déclencher un certain nombre de mesures incitatives pour faciliter la vie aux firmes pharmaceutiques ou aux start-up qui développent des nouveaux antibiotiques. Enfin, nous suggérons de considérer la résistance aux antibiotiques comme une grande cause nationale, ce qui évidemment serait une façon de booster cette thématique.
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