LE QUOTIDIEN : Vous avez qualifié la nomination du Pr Agnès Buzyn au portefeuille de la Santé de « mauvais signal pour la médecine libérale ». Pourquoi cette critique immédiate ?
DR JEAN-PAUL ORTIZ : Le Pr Agnès Buzyn est une femme d'une intelligence remarquable, c'est indiscutable. Elle incarne l'élite de la médecine et je précise que j'ai déjà eu par le passé un bon dialogue avec elle. Mais elle a un parcours professionnel strictement centré sur l'activité hospitalo-universitaire. Elle connaît peu les problématiques de la médecine de ville et nous avons très mal vécu le fait qu'au collège de la Haute autorité de santé qu'elle présidait, dans sa nouvelle version, il n'y ait plus aucun médecin libéral. Auparavant, la profession avait toujours été représentée à la HAS, avec le Dr Claude Maffioli à l'époque, le Dr Jean-François Thébaut… Cela a été un signal politique très défavorable. Sans faire de procès d'intention, je suis inquiet et sceptique.
Tout de même, le retour d'un médecin expérimenté au ministère n'est-il pas un gage d'écoute de la profession dans les arbitrages à venir ?
Il y a une crise majeure de la médecine libérale. La priorité de la ministre doit être d'y répondre d'emblée et par tous les moyens. Or, quand je vois son profil exclusivement hospitalo-universitaire, je suis préoccupé. La profession va très mal. Est-ce que la ministre s'en rend compte ? Je ne vais pas lui tresser des lauriers, comme tout le monde, je lance un SOS. Je rappelle que des spécialités entières sont en train de disparaître en libéral. Je voudrais être certain qu'elle va tourner la page. Tout de même, nous sortons de cinq ans d'un conflit qui s'est enkysté ! Madame la ministre : en marche pour le changement, tout de suite ! C'est ça le message…
La CSMF a-t-elle fait barrage à la nomination du Dr Olivier Véran, ancien député socialiste et rapporteur de la loi de santé ?
Nous avons travaillé avec tout le monde et la CSMF n'a pas pris de position politique. Avant le premier tour, nous avions rencontré le Dr Olivier Véran, référent santé d'Emmanuel Macron, mais aussi Jean Leonetti et d'autres… Le Dr Véran était-il trop marqué par loi Touraine dont il a été le rapporteur ? Je ne sais pas. Il y a des orientations avec lesquelles nous étions en désaccord, c'est certain. Mais il n'y a pas eu de volonté de faire barrage.
Quels sont les gestes prioritaires que vous demandez à Agnès Buzyn pour renouer le dialogue ?
On ne peut pas attendre. Je demande un premier geste majeur : la préparation immédiate d'une loi rectificative qui supprime le tiers payant généralisé obligatoire, y compris pour les patients à 100 %, et qui abroge également l'article 99 [de la loi Sécu 2017 Ndlr] autorisant le directeur de la CNAM à procéder unilatéralement à des baisses tarifaires sur l'imagerie. Il ne s'agit pas d'élaborer une nouvelle grande loi de santé mais de corriger les points de conflit. Le deuxième signal attendu concerne le cabinet d'Agnès Buzyn : il faudra que, parmi ses conseillers, quelqu'un ait les mains dans le cambouis de la médecine libérale...
Enfin, le PLFSS 2018 [projet de loi de financement de la Sécurité sociale] se prépare déjà ; nous jugerons sur pièces. Décide-t-on enfin, oui ou non, de prendre le virage ambulatoire ? Il ne s'agit plus d'en parler sans le faire, il faut le faire sans en parler ! Cela passe par des moyens alloués à la médecine de ville. Tous les économistes le reconnaissent : notre pays a un budget hospitalier hypertrophié et des soins de ville qui souffrent et n'ont pas les moyens de répondre aux défis du vieillissement, de la polypathologie et du maintien à domicile. Je demande un milliard d'euros pour la médecine libérale chaque année, soit cinq milliards sur le quinquennat.
Sous ces conditions, la CSMF pourrait-elle s'inscrire dans un nouveau partenariat avec l'exécutif ?
Avant toute chose, la ministre de la Santé devra renouer un vrai dialogue pour rétablir la confiance, qui ne se décrète pas mais se construit lentement, progressivement.
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