LE QUOTIDIEN : Lors du 1er congrès de l’Ordre, François Hollande s’était employé à rassurer la profession, très remontée contre la loi de santé. Un an plus tard, avez-vous le sentiment d’avoir été entendus ?
DR PATRICK BOUET : La profession n’a pas été entendue. Le Président Hollande avait pris des engagements sur la place du médecin dans la société. À l’époque, nous avions été satisfaits de ces déclarations, mais dans les faits, la loi de santé n’a pas évolué.
Le Président a écouté les médecins, la ministre de la santé a poursuivi son action.
Certains élus ordinaux vous invitent à prendre une position plus claire et plus offensive face à la loi de santé. Comprenez-vous leur position ? Prenez-vous au sérieux la menace de démission de certains conseillers ordinaux ?
L’Ordre n’est pas un syndicat médical. Il doit se positionner sur des principes. Ceux qui demandent à l’Ordre de prendre la place des syndicats ne sont pas dans leur rôle ordinal. Qu’ils veuillent exprimer des positions personnelles, c’est respectable et je n’ai pas vocation à les en empêcher.
Si un jour un projet de loi portait atteinte au libre choix du médecin par le patient par exemple, l’Ordre s’opposerait à ce projet. La démission est une arme ultime que l’on n’utilise qu’une seule fois, lorsqu’il n’y a plus d’autre voie possible. Je ne crois pas que nous en soyons là aujourd’hui.
Que pourriez-vous faire de plus ?
Si un tel cas se présentait demain, la responsabilité de l’Ordre serait d’utiliser tous les moyens constitutionnels pour invalider le texte. Nous ferions des injonctions aux responsables de cette situation. Nous en appellerions à l’ensemble de la société. Pour autant, la loi qu’on nous présente ne répond pas aux attentes de la profession. Nous avons demandé son report, sans succès. Nous avons demandé qu’il soit réécrit, il ne l’a pas été correctement. Nous avons prévenu que ce texte ne serait pas applicable, et les faits nous donneront raison dans les mois qui viennent.
Marisol Touraine a l’intention de maintenir le tiers payant généralisé obligatoire. Le regrettez-vous ?
Dès mars 2013, nous avons dit que le tiers payant ne devait pas être généralisé ni obligatoire. Il doit être simple, et ne doit pas permettre l’intrusion des assureurs privés dans le système. Il faut un payeur unique, en l’occurrence l’assurance-maladie. Aujourd’hui, nous sommes toujours dans la même posture, rien n’a changé.
Est-ce l’Ordre qui s’exprime mal, ou le gouvernement qui ne vous entend pas ?
Nous avons soumis de nombreuses propositions, le gouvernement gouverne et assume ses choix. Il les assumera le moment venu devant la population et devant les électeurs, et ceux-ci sont pour partie des médecins et des patients.
Les syndicats de médecins libéraux ont décidé de boycotter les travaux préparatoires à la conférence nationale de santé lancée par le Premier ministre. Quel rôle comptez-vous y tenir ?
L’Ordre des médecins n’est pas l’Ordre des médecins libéraux. Les syndicats hospitaliers, les syndicats de salariés, d’internes et de chefs de clinique sont tous présents aux travaux préparatoires de cette conférence. Il aurait été illogique que nous n’y soyons pas. Nous avions demandé un Grenelle de la Santé avec tous les partenaires autour de la table.
Nous sommes présents, attentifs et exigeants.
La loi de santé va être votée. La concertation et l’enquête nationales de l’Ordre n’arrivent-elles pas trop tard ?
Non, ce n’est pas trop tard. Ce n’est pas parce qu’une loi est votée qu’elle est applicable. Je rappelle que quelque temps après la loi HPST, il y a eu la loi Fourcade, et ce qui s’est produit une fois peut se reproduire. Nous allons travailler au maximum pour que les décrets et les ordonnances réorientent le texte.
Ce ne sera pas la première fois qu’une loi même votée évoluera dans son application.
L’an prochain, tout le monde aura à l’esprit l’élection de 2017. De nombreuses promesses seront faites aux électeurs, y compris aux professionnels de santé.
Nous interpellerons les candidats, analyserons les promesses et anticiperons les réformes.
A la lecture des résultats des élections aux URPS, estimez-vous comme certains qu’il y a une poussée du poujadisme dans la profession ?
Je n’accuserai aucun syndicat aujourd’hui d’être trop libéral, trop service public ou poujadiste. Les syndicats font tous leur travail de syndicat et le font bien.
L’abstention a atteint 60 %. Y voyez-vous un sentiment de défiance à l’égard des syndicats ?
Non. Mais quand une profession a le sentiment de ne pas être entendue ni écoutée, elle ne trouve plus le moyen de s’exprimer.
On montre du doigt l’abstention présumée aux URPS. Toutes les élections politiques ont des taux majeurs d’abstention aujourd’hui. Il faut redonner un sens au dialogue social. On ne fera jamais un système de santé contre les professionnels de santé et contre les usagers, on le fera avec eux. Il y a des limites à l’acceptabilité des décisions. Aujourd’hui, ces limites sont atteintes, dans le domaine de la santé et pas seulement pour les médecins.
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