LE QUOTIDIEN : Lors des États généraux de la médecine spécialisée, samedi prochain, vous évoquerez d'emblée le modèle allemand des « MVZ » véritables centres ambulatoires pluridisciplinaires sans hébergement. Cela vous inspire ?
Dr PATRICK GASSER : Oui, une consœur allemande viendra nous parler des Medizinische Versorgungszentren (MVZ). Ce sont des centres médicaux de proximité, développés au départ en Allemagne de l'Est, qui se sont ensuite déployés dans tout le pays. On y trouve des généralistes et des spécialistes, libéraux mais aussi salariés. Ce modèle de centres ambulatoires nous semble intéressant pour améliorer la coordination sur un territoire car nous réfléchissons en termes de responsabilité populationnelle. Mais il nous faut absolument réfléchir au modèle économique. En France, il n'a toujours pas été trouvé pour les maisons et pôles de santé, perfusés à l'argent public…
La délégation de tâches fait-elle aussi partie de vos réflexions ?
Oui, nous avons assez de professionnels en France, il n'y a pas forcément besoin d'augmenter le numerus clausus ! En revanche, les métiers évoluent et nous devons porter la délégation de tâches. Mais elle ne peut s'opérer qu'avec un vrai lien de subordination. Le médecin va se concentrer de plus en plus sur son cœur de son métier, son expertise qui fait sa plus-value, et ne fera plus certains actes. On le voit déjà avec les échographies faites par les manipulateurs radio dans un cadre protocolisé. Toutes mes « verticalités » réfléchissent aux délégations de tâches. Cela permettra aux spécialités d'évoluer, d'attirer les plus jeunes, mais certainement pas de disparaître.
Il y a quelques mois, vous avez pris position en faveur de la rémunération à l'épisode de soins. Est-ce toujours le cas ?
Oui, nous avons même engagé des travaux en ce sens même si on ne peut pas comparer tout ce qui se fait dans les pays nordiques à ce qui se pratique chez nous. Le lien entre les différents intervenants n'est pas encore assez fort en France.
Par exemple, sur la prothèse de hanche, je peux concevoir qu'on paie l'acte du chirurgien – qui doit prendre en charge le patient pendant une durée définie – en intégrant toutes les complications annexes aux gestes réalisés. Mais lier dans le forfait l'infirmière, le généraliste et le chirurgien, ça me paraît très difficile pour le moment… Il faudra expérimenter la rémunération à l'épisode sur des pathologies et prises en charge précises, par exemple la mise sous insuline des diabétiques pour les endocrinologues.
Sur le plan économique, je suis davantage favorable à ce qui se fait aux États-Unis avec les Accountable Care Organizations (ACO), ces réseaux intégrés sous contrat public ou privé, où les risques et les gains sont partagés entre financeurs et médecins. Nous sommes prêts à discuter avec l'assurance-maladie sur ces sujets, à condition de protéger les professionnels.
Avez-vous tiré un premier bilan des nouvelles options de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM et OPTAM-CO) instaurées dans la dernière convention ?
Non, car c'est à peine installé. Nous n'avons pas changé grand-chose par rapport au contrat d'accès aux soins (CAS) de modération tarifaire. Aujourd'hui, l'OPTAM ne prend en compte que les taux de dépassement individuels et s'aligne sur le plus bas. Il faudrait prendre en considération les taux moyens d'un groupe de praticiens. Il y a encore beaucoup à construire ; cela pourrait se faire dans le cadre d'un avenant conventionnel que pourrions éventuellement signer…
Vous envisagez donc de revenir dans la convention médicale ?
Oui, je rêve d'un avenant qui apporte les réponses aux questions posées en vain par les spécialistes au moment du refus de la convention. On ne va pas le cacher : c'est l'UMESPE qui avait freiné, au sein de la CSMF, au moment du choix sur la convention.
Cet avenant pourrait porter sur la pertinence des soins, la qualité des prises en charge, ou encore la télémédecine. En revanche, je ne suis pas pour des revalorisations d'un ou deux euros, qui me semblent obsolètes. Ce qui a été fait avec les consultations complexes est plus intéressant, il faut aller plus loin et créer des consultations à haute valeur ajoutée. Nous en discutons avec Jean-Paul Ortiz, le président de la CSMF.
Qu'en est-il de vos projets avec les complémentaires santé ?
Nous analysons les champs de la santé qui pourraient être abordés. Ce n'est pas si simple, les complémentaires sont surtout dans la prévention, or tout le monde veut en faire. En revanche, il existe des mutuelles spécifiques à des corps de métier. La profession pourrait apporter une plus-value dans le cadre de la prise en charge de ces populations et de pathologies particulières. Les mutuelles et les entreprises sont preneuses car la médecine du travail est en très grande difficulté. En revanche, je suis fermement opposé aux mutuelles qui construisent des plateformes de télémédecine, et essaient de contourner la loi Le Roux [excluant les médecins des réseaux] !
On a le sentiment que vous êtes désormais ouverts à de profonds changements pour les spécialistes libéraux…
Oui, surtout en matière d'organisation. Je le dis à mes adhérents : nous devons nous réorganiser pour réduire les délais d'attente. En contrepartie il faut prendre en compte nos propositions ! Par exemple, je veux bien réfléchir au conventionnement sélectif mais collectif. Dans un secteur géographique donné, plusieurs spécialistes pourraient contractualiser avec le gestionnaire – chacun s'engageant à prendre en charge telle ou telle population. Je sais que nous ne faisons pas consensus. Mais si je me présente en mars prochain pour un second mandat, ce sera avec ce programme-là !
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