Le TAS (tribunal arbitral du sport) doit rendre ce jeudi soir son verdict concernant la requête déposée par 68 athlètes russes; au nom de la lutte anti-dopage, faut-il appliquer une sévérité totale contre la Russie et les Russes ?
Dr PATRICK SCHAMASCH : Je suis extrêmement circonspect sur une mesure aussi énorme et je ne participerai pas personnellement au russian bashing. On ne tire pas sur une ambulance. Évidemment, il n’y a pas de fumée sans feu autour des pratiques du laboratoire de Sotchi, aux Jeux de 2014. Mais je ne prends pour argent comptant les accusations balancées par Grigory Rodchenkov, l’ancien patron du laboratoire antidopage russe, réfugié depuis aux États-Unis, qui tire à boulets rouges sur ses propres méthodes.
En tant que directeur médical du CIO, j’avais alerté dès 2012 le gouvernement russe au sujet d’un certain nombre de problèmes de contrôles, j’avais demandé un listing complet des analyses et j’avais alors pu constater que les Russes commençaient à travailler de manière sérieuse.
Le dopage est aux mains d’organisations criminelles dans le monde entier. Souvenez-vous de l’affaire Balco, en 2003, avec un trafic de THG (hormones de croissance), qui avait contaminé le baseball, l’athlétisme, la boxe, le cyclisme et le football américains. Beaucoup de pays développés sont concernés. Balayons d’abord devant nos portes respectives avant de mettre seul au ban des nations un immense pays.
Vous avez participé à la task force chargée de vérifier le dispositif de contrôle de Rio. Où en sont les Cariocas ?
Nous avons perdu beaucoup de cheveux devant les incertitudes accumulées dans l’imbroglio antidopage brésilien. La principale concerne la suspension du LBCD (laboratoire brésilien de contrôle du dopage), pour non-conformité aux normes internationales, la deuxième en trois ans. Si cette mesure devait être confirmée par les deux experts envoyés à Rio par l’AMA (Agence mondiale anti-dopage), nous activerions un plan B avec la mise en place d’un laboratoire satellite fully accredited et des officiers de contrôles spécialement entraînés seront envoyés sur place pour que tous les contrôles puissent être effectués.
Quelles sont les nouveautés qui vont être appliquées aux Jeux de Rio ?
Pour la première fois, c’est la chambre antidopage du TAS, la plus haute juridiction sportive qui statuera sur les cas positifs, pendant et après les Jeux, en lieu et place de la commission disciplinaire du CIO. Autre nouveauté, l’énorme travail de ciblage des tests, grâce à une structure d’intelligence coordonnée par l’agence anti-dopage britannique, l’UCAD. Les tests vont être davantage ciblés selon des faisceaux d’information afin de privilégier leur qualité plutôt que leur quantité, sans que soit relâché l’effort des contrôles en compétition.
Enfin, les ré-analyses vont être multipliées avec des délais de conservation des échantillons portés de huit à dix ans. C’est une épée de Damoclès pour tous les tricheurs. Après les 31 cas découverts récemment pour les Jeux de Pékin en 2008, on attend les résultats de 250 analyses effectuées aux Jeux de Londres en 2012 et encore ceux de 454 échantillons prélevés à Pékin.
Vous êtes directeur médical de la fédération internationale d’haltérophilie qui vient d’être éclaboussée par la suspension de l’ukrainienne Yuliya Kalina ; d’autres positifs doivent-ils craints ?
Plus on travaille dans l’anti-dopage, plus on trouve de cas. Nous remettons sur les rails une discipline qui a été fortement contaminée par les mauvaises pratiques dans les anciens pays de l’Est, il faut donc s’attendre à d’autres positifs.
Le Golf, dont vous êtes aussi le responsable médical mondial est pointé du doigt comme la 3e discipline la plus touchée, avec certains stimulants : où en êtes-vous ?
Statistiquement, le golf est numéro 3 pour le nombre de cas de dopage, mais scientifiquement, compte tenu du petit nombre de tests pratiqués dans cette discipline, il vient loin derrière. Nous allons harmoniser le système de contrôle entre professionnels et amateurs pour mettre les choses au clair.
Le Jamaïcain Usain Bolt affirme que la plupart des athlètes sont propres. Vous êtes d’accord ?
En effet, 90 % des champions sont propres. En fait, les athlètes sont en fin de chaîne, derrière des réseaux mafieux où l’on trouve des paramédicaux, des entraîneurs, des préparateurs physiques et, hélas, des médecins qui peuvent être des deux côtés de la ligne blanche. Nous entrons dans une nouvelle ère de l’antidopage, où nous allons cibler l’ensemble de ces acteurs et plus seulement les sportifs.
* Consultant du CIO pour le dopage, ex-directeur médical du CIO (2002-2012)
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