Dr RICHARD MATIS : En janvier 2010, suite au séisme de Haïti, nous avions fait une première mission d’urgence près de Port aux Princes. Plus récemment, nous avons réalisé plus de 1 000 accouchements sous tente dans les camps de réfugiés de Zaatari, en Jordanie.
On s’est dit qu’on pouvait faire la même chose à Calais, mais on s’est rendu compte que la situation était très différente.
Dans quel sens ?
GSF est peu connue. Il a fallu faire de la communication auprès des migrantes pour qu'elles soient au courant de notre existence et des jours où nous passions. Paradoxalement nous devons aussi être très discrets, car le fait de voir un gynécologue est très stigmatisant, surtout pour des demandes d'avortement.
En l'absence de gestionnaires de camps, la loi du plus fort règne, et donc la loi des passeurs. Ils font croire aux femmes que, dans les hôpitaux, elles seront prises dans le système administratif français et ne pourront pas revenir. Ils prétendent aussi que si elles s'absentent trop longtemps, elles vont louper le départ.
Pour l'instant aucune femme n'a franchi le pas de venir à nous pour des problèmes de violences, mais ces phénomènes existent. Des cas de viols, de prostitutions non consenties nous ont été remontés par une sage-femme de l’association qui travaille dans la région.
Comment se déroule votre intervention ?
On a mis au point un dispensaire mobile avec un gynécologue et une sage-femme qui proposent une demi-journée de consultation par semaine dans chaque camp. La camionnette permet de transporter les femmes vers le centre hospitalier de Calais et de Béthune ainsi qu'à la maternité de Grande-Synthe.
On a la possibilité aussi de faire de la surveillance "à domicile" avec un échographe portable, un tococardiographe et un tensiomètre. Nous traitons aussi pas mal de pathologies liées aux conditions d’hygiène et l’humidité : infections urinaires et vaginites.
Les professionnels de santé locaux apprécient-ils votre action ?
Il y a de la souffrance chez ces femmes mais il y en a aussi chez les professionnels qui se retrouvent avec des femmes qui ne parlent pas forcément la langue. Nous préparons les consultations pour les chefs des services et de maternités. Les médecins sont plus sereins, ils savent ce qu'ils doivent faire. On est en train de passer des conventions pour mettre sur papier les aspects pratiques : quand est ce qu'on doit leur amener les patientes ? Où ? Quel numéro appeler ?
Il y a aussi la problématique de l'avortement. Le CH de Calais était réticent à l'idée de donner des médicaments abortifs à des femmes sans surveillance médicale. Ils ont été bousculés par le planning familial et le défenseur des droits qui les ont accusés de faire obstacle au droit à l'avortement.
Ils ont vraiment été soulagés par notre arrivée, puisque nous pouvons donner les médicaments à la patiente, la transporter à l'hôpital 48 heures plus tard pour l'expulsion en ambulatoire. On peut aussi faire de la surveillance après coup.
Pourrez-vous rester longtemps sur place ?
Nous n'avons aucune subvention et il est très difficile de mobiliser des fonds privés pour la cause des migrants qui reste très connotée politiquement. Aussi, pour l'instant, nous envisageons d’arrêter notre action début avril. Suite à la médiatisation du bourbier qu'est Grande Synthe, les bailleurs de fonds sont revenus. Nous allons donc décider mi-février si nous prolongeons notre présence ou pas.
Propos recueillis par Damien Coulomb
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