La revalorisation de la médecine de proximité

Élisabeth Hubert, « vigie » d’une réforme « cohérente »

Publié le 10/01/2011
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Crédit photo : S TOUBON

LE QUOTIDIEN – Comment jugez-vous l’accueil réservé par Xavier Bertrand à votre rapport ?

Dr ÉLISABETH HUBERT – Manifestement, il l’a lu et bien lu, ce qui n’était pas obligatoirement le cas de tous ceux qui étaient présents le 6 janvier. J’ai aussi décelé une vraie volonté et un souhait indéniable de se l’approprier, et de s’inscrire dans une déclinaison de ce rapport, ce qui est important. Sur le reste, je suis confiante mais vigilante : ce rapport a une logique, et je continue à dire que ce n’est pas seulement une boîte à outils dans laquelle on peut piocher. Quand on me dit aujourd’hui qu’on va mettre en place les stages de 2e cycle, c’est bien, mais c’est l’ensemble de la formation qu’il faut sortir du système « CHU-centré ». Par exemple, la question de l’examen classant n’a pas du tout été abordée, or la formation initiale, c’est un tout. La protection sociale des médecins n’a pas non plus été évoquée alors que 70 % des jeunes diplômés sont des femmes, avec les problèmes de congés maternités que cela pose. Il y a encore besoin de mise en perspective.

Autre exemple, le ministre a proposé la mise en place d’un statut interprofessionnel ambulatoire. Pourquoi pas. Mais j’ai fait cette proposition dans le cadre d’un triptyque de réformes qui comportait les coopérations, le regroupement et les rémunérations. Si on retire l’un des socles de ce trépied, ça ne tient plus. Je comprends bien que la réforme des rémunérations doive se faire dans le cadre conventionnel, mais n’oublions pas qu’il ne s’agit pas uniquement des rémunérations des seuls médecins, mais de tous les professionnels de santé exerçant en maison ou pôle de santé. Il va donc falloir que l’assurance-maladie discute avec l’UNPS. Il reste un certain nombre de choses à caler.

Manifestement, l’approche de Xavier Bertrand est de se dire qu’il y a des choses à faire immédiatement, faisons-les. Mais que cela n’exonère pas de construire le reste. Ce rapport doit s’inscrire dans la durée, et pas juste dans l’optique de 2012.

Vous semblez craindre que les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure de l’urgence

C’est encore mon interrogation puisque les rémunérations sont laissées dans le champ conventionnel et que, par ailleurs, on n’évoque pas beaucoup les coopérations. Enfin, on parle essentiellement des regroupements sous la forme du statut juridique, peu du financement de ces regroupements. Or on ne peut pas dire que les regroupements vont se faire uniquement parce qu’on a mis en place le véhicule juridique.

Moi, je veux aider Xavier Bertrand pour que les forces du conservatisme ne soient pas trop présentes. Le conservatisme est à l’œuvre notamment dans les administrations qui répètent qu’il n’y a pas d’argent. Or, si Xavier Bertrand a bien précisé que ces réformes se feraient dans le cadre de l’ONDAM [objectif national des dépenses d’assurance-maladie], il a ajouté qu’il parlait de l’ONDAM général, et non du seul ONDAM de ville. Je suis satisfaite car il y là des marges de manœuvre plus importantes que dans les enveloppes et sous-enveloppes.

Avant de remettre votre rapport vous disiez que votre mission s’arrêterait au jour de sa remise au ministre. Aujourd’hui, on vous sent cependant encore très impliquée.

C’est en partie lié à l’accueil globalement positif qu’a reçu mon rapport. Cela a amené la classe politique à une prise de conscience. Je n’ai certes pas vocation à décliner mes propositions, mais je peux apporter un éclairage, et être une sorte de vigie, ni complaisante, ni malveillante. Aujourd’hui, je dirais que l’appropriation par les politiques de mon rapport est bonne, la détermination et la volonté sont là. Mais au-delà de cette première étape, je dirais à Xavier Bertrand de ne pas oublier que mon travail a une cohérence, tant sur le moyen terme que sur le long terme.

 PROPOS RECUEILLIS PAR HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8881