En Guyane, le service des urgences en sursis après la démission de 17 médecins

Publié le 28/06/2018
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Crédit photo : Valérie Parlan

Démissionnaires depuis mai dernier, 17 urgentistes du centre hospitalier de Cayenne quitteront leur poste dans quelques jours. Paris semble un peu plus à leur écoute.

Des parapluies, des slogans, des chants, des blouses blanches, des transporteurs routiers, des membres des collectifs citoyens des Grands Frères et de Trop violans... Hier, le cortège éclectique de la manifestation a rassemblé 250 personnes dans les rues de Cayenne. À l'appel des urgentistes de l'hôpital Andrée Rosemon (CHAR) et du Samu973, cette mobilisation avait pour but d'alerter la population et les autorités sur l'aggravation de la crise qui secoue le service des urgences depuis le 3 mai dernier.

Un besoin d'au moins 40 médecins

Ce jour-là, 17 urgentistes sur les 25 actuellement en poste ont démissionné. « Le préavis arrive à échéance le 3 juillet et aucune solution n'a été trouvée, explique Pierre Chesneau, médecin urgentiste, en poste depuis 18 ans en Guyane. Il nous faudrait au minimum 40 médecins pour faire tourner le service. En un an, 10 sont partis, épuisés par le rythme infernal des urgences, les burn-out sont permanents. La politique de recrutement est totalement à revoir pour attirer de nouveaux médecins et retenir ceux qui souhaitent partir ». Si les symptômes ressemblent à ceux avancés par de nombreux urgentistes métropolitains, « l'enclavement, le manque d'attractivité de la Guyane les exacerbent encore plus ici ». Depuis des semaines, les réunions avec la direction et l'Agence régionale de santé (ARS) se sont succédées mais sans succès.

C'est pourquoi le cortège a souhaité boucler la manifestation devant la préfecture de Cayenne afin qu'une délégation y soit reçue. « Nous avons senti une écoute importante, résume Pierre Chesneau à l'issue d'une réunion qui a duré plus d'1h30. Nous avons expliqué par des cas concrets l'agonie du système de santé actuel, les prises de risques quotidiennes prises par les médecins pour soigner puisque les moyens matériels et humains manquent cruellement. Nous avons l'impression que le cabinet du préfet a pris l'ampleur de notre malaise. »

Le fonctionnement de l'hôpital n'étant pas du ressort préfectoral mais de l'Agence régionale de santé, un engagement à veiller au respect des futurs protocoles a toutefois été tenu de même que la garantie de faire remonter ces constats à Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, et de relayer « notre demande qu'elle nous reçoive à Paris ».

Une mission d'audit en juillet

Cette dernière a d'ailleurs indiqué, mardi à l'Assemblée nationale, que « 40 millions d'euros, conformément aux accords de Guyane du 21 avril 2017 vont être délivrés » pour la modernisation de l'hôpital, suite à l'avis favorable du Comité de performance et de modernisation de l'offre de soins hospitaliers (Copermo), le 19 juin. De même, une mission d'audit du président du Conseil national des urgences hospitalières, Pierre Carli, a été annoncée du 7 au 9 juillet en Guyane.

D'ici là, les négociations vont se poursuivre entre les urgentistes et la direction de l'hôpital sous l'égide de l'ARS. Une poignée de jours pour une longue feuille de route qui, au-delà du seul service des urgences, balaye aussi d'autres points de crispation liés à l'organisation, aux ressources humaines, à la structure et au bien-être des soignants et soignés. « La catastrophe sanitaire est globale sur tout le territoire, témoigne une soignante. Ce n'est pas une petite blessure mais une lente et sûre agonie. »

De notre envoyée spéciale Valérie Parlan

Source : lequotidiendumedecin.fr