Dans son rapport d'étape l'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) avait relevé « trois manquements majeurs » du laboratoire Biotrial dans la gestion de l'essai clinique qui a fait un mort mi-janvier à Rennes. Alors que l'enquête de l'IGAS se poursuit, la révélation jeudi 25 février par « le Figaro » de « la mort de plusieurs chiens » lors de la phase préclinique questionne sur la teneur de cette étude préalable. Interrogé par « le Quotidien », Dominique Martin, directeur général de l'ANSM, répond point par point.
Le Quotidien : Le décès de chiens lors des essais précliniques pouvait-il être considéré comme un élément alarmant ?
Il n'y a rien d'exceptionnel à enregistrer des décès lors des essais sur l'animal. En l'occurrence la molécule a été testée sur plusieurs dizaines de chiens à raison de 100 mg par kilo et par jour, soit environ 1 g à 1,5 g par jour pendant 3 mois. Ce qui représente une dose massive comparée à celle qui a été administrée aux volontaires. Deux chiens ont dû effectivement être euthanasiés car souffrant de graves lésions pulmonaires. Un singe est également décédé du fait d'une atteinte multiviscérale. Mais aucun des animaux testés, rongeurs, chiens, singes, n'a présenté des atteintes du système nerveux central, comme cela a pu être observé sur les volontaires hospitalisés.
Il apparaît que ce n'est pas le groupe Bial ni le centre Biotrial de Rennes qui ont réalisé ces essais de phase I. Quelles garanties avez-vous eues de leur conformité ?
Ces recherches ont été confiées, comme c'est souvent le cas, à des prestataires spécialisés. Dans le cadre des investigations, l'ANSM a fourni au CSST (Comité scientifique spécialisé temporaire, composé d'experts français et internationaux indépendants) l'ensemble des données dont elle disposait sur les études menées chez l'animal avec le BIA 10-2474. Celui-ci a constaté que ces études répondaient aux prérequis exigés pour autoriser ce passage de l'étude à l'homme.
Comment expliquer ce décalage entre les résultats de l'étude préclinique et les effets qui se sont révélés chez certains volontaires ?
Il renvoie aux deux hypothèses avancées par le comité. Soit l’effet d’un métabolite résultant de la dégradation du médicament absorbé ou un effet de la molécule dépassant la seule inhibition de la FAAH. On peut imaginer, par exemple, qu'au-delà d'un certain seuil, il se produit un phénomène de saturation des récepteurs endocannabinoïdes qui engendre un effet « off target » sur d'autres récepteurs.
Pourrait-on imaginer plus de transparence sur le déroulement des essais, notamment en phase I.
Si les protocoles des essais cliniques peuvent être rendus publics, les résultats d'études de phase I font partie intégrante du secret industriel. Celui-ci est couvert par l'article L311-6 du Code des relations entre le public et l'administration. Au regard de la législation, nous avons accès à la « brochure pour l'investigateur » qui porte sur le process industriel et au « dossier du médicament expérimental » qui recèle les résultats des études précliniques. Mais nous ne sommes pas autorisés à rendre publics ces documents sans l'accord de l'industriel.
Aucun des pays membres ne publie aujourd'hui de résultats de phase I sur le répertoire européen (la base de données européenne de recherches médicales). S'il en était ainsi, plus aucune recherche pharmaceutique ne pourrait être menée en France...
En tout état de cause, s'il s’était agi d'une urgence en termes de sécurité publique, nous aurions sans doute passé outre la loi et publié ces documents, mais il ne s'agit aujourd'hui que d'un processus de diffusion des connaissances. Les conclusions du comité d'experts seront présentées dans les prochains jours.
Quelle leçon tirer du drame qui s'est produit ?
Les réponses précises et circonstanciées des experts serviront de support de réflexion, non seulement sur le plan national mais aussi au niveau européen, où nous avons déjà commencé à échanger avec nos homologues des autres pays. L'objectif étant, comme l'avait annoncé la ministre de la Santé, de faire évoluer la législation vers un renforcement de la protection des volontaires sains dans les essais cliniques.
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