C'est une des illustrations de la pénurie médicale, qui plus est généralement mal vécue par les familles. À Mèze, dans l'Hérault, un retraité de 79 ans a eu du mal à trouver un médecin le 6 juin, lundi de la Pentecôte, pour constater le décès subit de sa femme dans la salle de bains. La famille a tenté d'appeler les pompiers et des médecins généralistes locaux. Mais en vain. Au centre 15, « les gens sont de bonne volonté, mais aucun médecin ne vient pour constater le décès, il n'y en a pas », a raconté le septuagénaire, interrogé par le « Midi Libre ».
La famille avait eu l'ordre de ne pas déplacer le corps en attendant qu'un médecin vienne, finalement en fin de journée, constater le décès. « Le corps doit rester en l'état où il était le matin. On ne peut même pas l'allonger. On est dans une situation grotesque. Et depuis ce matin, elle se décompose… Il est 17 heures et personne ne va venir. Cela devient dramatique, malsain et honteux. C'est scandaleux de traiter un cadavre comme ça ! C'est inacceptable », avait expliqué l'homme au quotidien régional.
Un « acte médical »
Faute de certificat de décès, impossible également pour la famille endeuillée d'entamer les démarches auprès des pompes funèbres pour prendre en charge la dépouille de la retraitée. Or depuis des années, la rédaction de ce document administratif se heurte à la raréfaction de la ressource médicale. Pour remédier au problème, des députés socialistes et de la majorité LREM-MoDem avaient souhaité faire appel aux infirmiers libéraux dans le cadre de la loi Santé de 2019. Mais cette proposition avait été écartée par l'ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, estimant notamment que la rédaction d'un tel certificat est un « acte médical ». En revanche, le feu vert avait été donné aux médecins retraités et aux internes.
Mais dans le contexte de désertification médicale croissante, les lignes vont-elles bouger ? Les infirmiers libéraux pourraient-ils finir par intervenir en renfort dans les zones désertifiées ? C'est tout cas le souhait aujourd'hui de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Contacté par « Le Quotidien », son président, Daniel Guillerm, estime qu'il faut aujourd'hui « prendre des mesures urgentes pour préserver le temps médical ». « Il y a un écosystème favorable, plaide-t-il. Cela m'étonnerait que l'État s'oppose à cette augmentation des prérogatives de la profession. Les infirmiers libéraux sont prêts ». Par ailleurs, cette extension des compétences ne nécessiterait pas de formation spécifique, selon lui. « Que cela soit dans nos formations initiale ou continue, nous connaissons suffisamment d'éléments cliniques pour savoir si la personne est décédée ou pas », ajoute-t-il.
Décret de compétence
En tout cas, ces évolutions impliqueraient une modification réglementaire du décret de compétence de ces professionnels et une négociation conventionnelle pour rémunérer l'acte. Une telle évolution est également soutenue par l'Ordre des infirmiers qui dans ses contributions au Ségur de la santé, en juillet 2020, faisait valoir que les « infirmiers par leur formation et leur niveau universitaire sont des cliniciens capables d’agir en toute et complète autonomie pour établir le certificat de décès, comme c’est le cas dans de nombreux pays à travers le monde ». C'est notamment vrai au Canada et aux États-Unis. « Il est dommage dès lors de ne pas recourir à la profession infirmière, présente dans tous les territoires et donc facilement mobilisable pour intervenir, et cela sept jours sur sept » insistait l'Ordre infirmier.
En 2019, une précédente affaire de médecin introuvable pour établir un certificat de décès à domicile à Douai pendant un week-end avait suscité l'étonnement du correspondant en France du « New York Times », surpris que la rédaction d'un tel document soit du domaine réservé des médecins, au point d'y consacrer un long article dans le quotidien américain.
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