Ils sont au total neuf soignants ukrainiens - cinq anesthésistes-réanimateurs, trois infirmiers réanimateurs et un chirurgien traumatologue - à s'être entraînés pendant sept jours auprès de spécialistes français à Metz. Âgés de 24 à 40 ans, ils s'apprêtent à rentrer dans leur pays pour devenir eux-mêmes des formateurs en médecine et secourisme de guerre. Tous ont déjà une expérience dans la formation, certains ont déjà exercé la médecine de guerre.
Rencontrés à Paris au siège de l'Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM), ces professionnels de santé ont fait part au « Quotidien » de leurs difficultés depuis le début de la guerre du Dombass, en 2014. « J'ai été mobilisé de 2015 à 2016 », se souvient le Dr Igor Deymeka, anesthésiste-réanimateur originaire de Rivne, dans l'ouest de l'Ukraine. « Actuellement, nous ne manquons pas de médecins sur le terrain, mais ce dont nous avons le plus besoin, ce sont de formations, explique le quadragénaire. Les Russes utilisent beaucoup d'armes à longue portée comme des missiles de croisière. Il peut y avoir des victimes civiles dans n'importe quelle ville d'Ukraine. »
Les soignants pris pour cible
Dans le Dombass, le Dr Deymeka faisait partie d'une équipe chirurgicale avancée, à moins de 5 km de la ligne de front, composée d'un chirurgien, d'un anesthésiste et d'une infirmière. Leur rôle consistait principalement à maîtriser les hémorragies pour permettre l'évacuation vers les hôpitaux. Une mission compliquée par l'attitude des troupes russes et indépendantistes : « L'hôpital de campagne où j'étais stationné a été bombardé intentionnellement à plusieurs reprises, témoigne le Dr Deymeka. Les médecins militaires évitent de porter des signes distinctifs sur leurs vêtements et leurs véhicules, de peur d'être pris pour cible. »
« La violence est presque la même qu'en Syrie », explique le Pr Raphaël Pitti, responsable de la formation qu'il avait déjà mis en place alors. « La population syrienne a subi de la part des Russes des attaques à l'arme chimique, des bombes au chlore, des bombes au napalm mélangé au phosphore. Ces armes n'ont pas encore été utilisées en Ukraine, mais on l'anticipe », craint-il. En revanche, « contrairement à la Syrie où il nous a fallu repartir de zéro tellement tout était détruit, l'Ukraine dispose encore d'un réseau de soins très solide et très organisé », complète le Pr Alain Deloche, chirurgien et fondateur de la chaîne de l'Espoir également partie prenante dans le projet.
Originaire de Marioupol, le Dr Artem Ahantsev fait lui un constat de pénurie de matériel. « Il nous manque surtout des choses basiques comme des garrots tourniquets, explique-t-il. Nous aurions aussi besoin d'échographes pour évaluer les hémorragies internes et mieux apprécier la gravité des patients. » Depuis quelques années, des échographes portatifs, de la taille d'une main, ont fait leur apparition dans la trousse des médecins militaires, pour repérer la présence de saignements dans le thorax, l'abdomen ou le bassin. « Cela fait presque disparaître la notion d'urgence relative, puisque cela permet de savoir sans ambiguïté si un patient est urgent, même s'il a l'air stable lors de l'examen clinique », résume le Pr Pitti. Autre innovation récente : la possibilité de poser des voies intraosseuses, au niveau du canal médullaire d'un os, quand l'approche veineuse est indisponible.
Les quatre phases de la prise en charge
Au cours de la semaine, les élèves ont réalisé différents ateliers - respiratoire, circulatoire, douleur, triage et conditionnement - assortis de cas concrets puis de simulations sur mannequins. « C'est une médecine où le pronostic vital est engagé, insiste le Pr Pitti. Il faut maîtriser les outils pour mener une intervention en quatre phases ». À savoir : évaluation, stabilisation (rétablir l'oxygénation et l'état de tension artérielle hémodynamique), diagnostic lésionnel et enfin, prise en charge médicale adaptée au bilan lésionnel.
En une semaine, les élèves ont maîtrisé les outils nécessaires à chaque phase, et l'algorithme décisionnel qui permet de passer de l'un à l'autre. Ils ont aussi été formés à ne pas s'éparpiller, à gérer l'espace et le temps pour être le plus efficace possible. À cela s'ajoute la prise en compte de l'aléatoire de la guerre. Les soignants peuvent être eux-mêmes bombardés, encerclés, ou à cours de produits sanguins. « Cela pose des problèmes éthiques au moment du triage, souligne le Pr Pitti. Moins on a de moyens, plus les patients vont basculer dans la catégorie critique. »
La médecine de guerre se caractérise par quelques grands cadres pour les situations cliniques. « Nous devrons traiter principalement des blessures causées par le souffle, des blessures par balles, des criblages, des écrasements ou des brûlures, liste le Dr Deymeka. La principale difficulté est le phénomène de blessures de masse. Quand un missile ou un obus touche un immeuble d'habitation, nous devons parfois gérer 40 ou 50 blessés qui arrivent en même temps à l'hôpital. Nous devons donc apprendre aux personnels hospitaliers à travailler dans ce genre d'environnement. »
Objectif : 2 000 formations par an
De retour à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, le Dr Yuriy Stepanovskyyva, pédiatre et immunologiste de formation, compte ouvrir des cours de formation à la médecine de guerre dans trois hôpitaux. « Nous avons besoin de nouvelles compétences pour les médecins civils et les secouristes, explique-t-il dans un français parfait. Nous avons déjà beaucoup de demandes en Ukraine alors que nous n'avons que peu communiqué sur ce projet. » L'objectif affiché est de former 2 000 personnes par an. Un objectif tout à fait atteignable : l'UOSSM a formé 34 000 personnes en Syrie depuis la création de l'association en 2012. L'association a d'ailleurs lancé une campagne de dons pour financer son projet ukrainien.
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