La chronique de Richard Liscia

Hamon, Fillon, Macron : la trilogie autodestructrice

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Publié le 02/02/2017
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Hamon, Macron, Fillon : trilogie destructrice

Hamon, Macron, Fillon : trilogie destructrice
Crédit photo : AFP

Sur le papier, M. Hamon peut tout faire : il peut obtenir le ralliement de Jean-Luc Mélenchon, limiter la fuite des élus socialistes vers M. Macron, passer un bon accord avec les écologistes. Dans la réalité, il devra surpasser l'ambition, plus tenace et plus ancienne que la sienne, de M. Mélenchon, convaincre la totalité de l'électorat qui vote traditionnellement à gauche de ne pas passer dans le camp d'En Marche !, et apaiser le conflit perpétuel qui anime les écolos et ne les amène nulle part. Il devra surtout résoudre une équation très ardue : le total des suffrages de gauche a baissé, il représente 35 % de l'électorat, de sorte que, même si le vainqueur de la primaire fait le plein de toutes les voix, il ne passera pas le premier tour.

Ses amis nous répètent toutefois que la campagne démarre à peine et que, par la persuasion, M. Hamon finira par attirer vers lui des personnages et des électeurs qui lui résistent encore aujourd'hui ; mais que, grâce à son programme, il convaincra aussi une partie de ceux qui s'apprêtent à voter à droite ou l'extrême droite. On lui reconnaîtra une qualité qu'il ne revendique guère mais qui le définit pleinement, celle du populisme. Son revenu universel, qu'il nous a présenté comme l'idée de gauche la plus novatrice, alors qu'il s'agit d'une utopie libérale vielle de deux siècles, a sans nul doute joué un rôle utile qui aura beaucoup contribué à son triomphe. Peut-il s'en servir encore pour augmenter son audience ? Le revenu universel risque de jouer le rôle d'épouvantail aux yeux des sociaux-démocrates qui ont voté pour Manuel Valls, de ceux qui ont rallié Macron et des amis de M. Mélenchon, furieux de ne pas avoir une idée aussi démagogique au moment où il n'y a plus que la démagogie qui marche.

Hamon face aux crocodiles

Seule une fusion Hamon-Mélenchon en bonne et due forme, avec un document précis sur le programme de gouvernement et des compromis de part et d'autre permettrait à la gauche de se qualifier pour le second tour. Il ne faut pas exclure cette hypothèse car MM. Hamon et Mélenchon sont intelligents et lucides. Mais enfin on ne mise pas lourd sur cette possibilité. Le plus probable, c'est que les hollandais, les vallsistes et l'électorat de la gauche sociale-démocrate s'abstiendront ou passeront avec armes et bagages dans le camp de Macron, que Mélenchon refuse de renoncer à son dernier espoir de jouer un rôle national et que Hamon, qui n'est pas du tout brutal, ne trouve pas en lui-même les ressources pour s'imposer à des crocodiles bien plus aguerris que lui.

Si la dispersion de la gauche est inéluctable, Marine Le Pen commencera à croire à sa victoire dès cette année. Elle devance François Fillon dans les sondages et a donc la certitude de se retrouver au second tour, alors que M. Fillon est talonné par M. Macron et que François Bayrou, toujours démangé par ses aspirations nationales, songe encore à se présenter. Il est capable de se saisir de n'importe quel prétexte (par exemple la « corruption » facilement attribuable à M. Fillon) pour se lancer dans une folle aventure dont le seul résultat serait l'arrivée au second tour d'un homme qui aurait le moins de chances de battre la candidate du Front national. Le danger est donc qu'aux divisions de la gauche, qui me semblent indéniables, s'ajoutent celles de la droite avec ce facteur aggravant : l'irresponsabilité des votants, qui exigent tous la « révolution », et croient pouvoir la faire en éliminant des candidats qu'ils n'aiment pas, mais sans qu'ils aient  une stratégie pour le lendemain de la présidentielle. Même M. Macron, par son style, et sa façon bonapartiste de faire campagne (il crie plus fort que M. Sarkozy) a des accents,  des méthodes, des gestes et des mots inspirés par le populisme, qui est totalement étranger à M. Fillon. De sorte que l'ancien Premier ministre est menacé à la fois par les émoluments versés à son épouse et par une concurrence centriste   

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9552