Dr Patrick Gasser, président de l'UMESPE

Il faut comprendre au lieu de les stigmatiser »

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Publié le 09/02/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Comment jugez-vous ces praticiens qui affichent leur refus de soigner des patients précaires ?

Dr PATRICK GASSER : En tant que médecin, le refus de soins n’est pas admissible et le principe est condamnable. Mais tout le monde a le droit de se défendre, et il faudrait peut-être essayer de comprendre ces praticiens, au lieu de les stigmatiser. Certains en ont assez des patients, de plus en plus nombreux, qui n’honorent pas leur rendez-vous. Or, ce sont plutôt des bénéficiaires de la CMU qui ne viennent pas et ne préviennent pas, même s'il faut prêter attention au ressenti. L’URPS médecins de Franche-Comté a démontré l'ampleur du phénomène des « lapins », correspondant au travail de 6 ETP médecins à l'échelon du département. C’est énorme.

La gestion administrative et financière pose également de vraies difficultés. Dans mon cabinet, où nous sommes 15 médecins, nous avons une secrétaire qui s’occupe précisément de tracer les paiements en tiers payant des patients à la CMU ou à l'AME, et qui fait des relances. Mais combien de confrères peuvent se payer ce service ? Tout cela exaspère les médecins et vient un moment où, parfois, ils pètent un plomb, au risque de donner le bâton pour se faire battre. 

Le phénomène des refus de soins est-il en augmentation ?

Dans l'affaire dont nous parlons, il s'agit de douze professionnels de santé ! Or, il y a en France des centaines de milliers de professionnels médicaux, dentaires… On monte en épingle ce dossier, ce n’est pas comme ça qu’on apaisera les tensions.

Le rôle du Défenseur des droits est certes de tirer la sonnette d’alarme, mais c'est aussi de trouver des solutions en amont plutôt que de tout mettre sur la place publique en stigmatisant la profession. Moi, j’aurais d’abord analysé la situation pour vérifier si ces refus de soins sont en réelle augmentation. Ensuite j’aurais fait des propositions. Là, on parle de punir ! Les professionnels visés ont voulu faire passer un message mais ils ne s’assoient sur la déontologie. Ce n’est que la partie émergée d’un ras-le-bol général. C’est le mal-être d’une profession, d’un système et d’une société.

Sanctionner les médecins qui refusent les patients précaires n'est donc pas la bonne solution ?

Non. Les professionnels pourraient avoir le sentiment d’avoir été punis à tort, ce qui serait encore plus délétère. 

Propos recueillis par Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du médecin: 9554