« LA GRIPPE est une maladie pédiatrique, ce sont les enfants qui contaminent les adultes, rappelle le Pr Gérard Chéron, chef de service des urgences de l’hôpital Necker (Paris). La pandémie A(H1N1)v est présente actuellement chez les enfants un peu partout en France. En Ile-de-France, l’activité des urgences pédiatriques a augmenté de 80 % au cours du mois d’octobre par rapport aux 4-5 dernières années. Il s’agissait de pathologies infectieuses avec indications de prélèvements, dont plus de 80 % sont revenus positifs à A(H1N1)v. À l’AP-HP, 16 % des lits de réanimation pédiatrique sont occupés par des cas de grippe A(H1N1)v. Le seuil d’alerte fixé à 15 % est dépassé, ce qui implique de déprogrammer d’autres activités de soins, alors que le pic épidémique n’est pas encore atteint. La situation est extrêmement limite, ce d’autant que l’épidémie de VRS va débuter elle aussi. L’Ile-de-France est touchée plus tôt que les autres régions, en raison d’une densité de population plus forte, mais il est vraisemblable que cette situation va se généraliser dans les grandes villes et dans tous les CHU de l’Hexagone ». La grippe n’est pas obligatoirement anodine. Le phénomène de masse explique le pessimisme du constat en valeur absolue.
Impossible de prédire.
« Chez les enfants sains sans facteur de risque, il est impossible de prédire si tel ou tel fera une forme grave, souligne le Pr Catherine Weil-Olivier, pédiatre et membre du comité de lutte contre la grippe. Il est donc très important de vacciner les enfants le plus largement possible afin de protéger ceux qui auraient développé des formes graves. Le rythme de reproduction (R0) est de 1,6 pour le virus A(H1N1)v, c’est-à-dire qu’une personne touchée infecte "1,6 personne" supplémentaire, alors que le R0 est de 1,2 pour le virus saisonnier. Il est nécessaire d’enrayer ce pouvoir multiplicateur du virus. La vaccination est une solution simple ». La vaccination répond ainsi à deux objectifs essentiels : la protection individuelle, ce d’autant que le sujet présente des facteurs de risque pour lui-même; la limitation du potentiel de diffusion et de transmission du virus.
« Outre les pneumonies graves d’emblée, la grippe A(H1N1)v peut entraîner de graves surinfections bactériennes à type de pleuro-pneumopathies, précise le Pr Chéron. En dehors de ces cas graves et de l’existence de facteurs de risque, la situation se règle avec un peu de paracétamol. D’ailleurs, l’épidémie de grippe est certainement sous-estimée en raison de formes peu virulentes, de formes non fébriles, de la prédominance de symptômes gastro-intestinaux, de cas traités par automédication ».
Deux doses chez les enfants.
« L’efficacité du vaccin est de 60-80 % sur le risque d’avoir une petite grippe, de 90 % sur les formes graves et de 100 % sur la mortalité, déclare à son tour le Dr Jean-Marie Cohen, coordinateur national du réseau des GROG. Il n’existe aucune donnée fiable actuellement pour penser qu’il existe davantage d’effets secondaires. L’incidence des événements signalés après vaccination est la même que celle de la population générale. Sauf que l’on croit tenir un responsable ! » De semaine en semaine, il s’agit de trouver l’équilibre entre l’importance de la pandémie et le stock de vaccins disponibles. « Comme le système immunitaire de l’enfant est en cours de maturation jusqu’à l’âge de 2 ans, on recommande un vaccin sans adjuvant chez les nourrissons de 6 à 23 mois, précise le Pr Weil-Olivier. En attendant le vaccin non adjuvanté, s’il existe des facteurs de risque particuliers ou si la pandémie devient menaçante, il est légitime de proposer la vaccination avec adjuvant chez les moins de 23 mois. Dans son dernier avis, le Haut Conseil de Santé Publique a d’ailleurs donné un très fort encouragement à le faire. Même si la réponse immune est solide après une première dose, deux injections sont le plus souvent nécessaires jusqu’à l’âge de 9 ans pour obtenir un niveau de réponse immunitaire adulte. Les premiers essais démontrent clairement que l’adjuvant apporte un bénéfice incontestable selon des critères d’efficacité plus exigents que pour la grippe saisonnière. Pour les nourrissons de moins de 6 mois, c’est la stratégie du cocooning. L’entourage doit être vacciné, c’est-à-dire toute personne vivant à la maison ».
Conférence de presse organisée à la demande du ministère de la santé à paris, le 10 novembre 2009.
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