LE QUOTIDIEN : Après deux ans sans tournage, pourquoi Isabelle Adjani a-t-elle souhaité se glisser dans la peau d’un médecin du travail ?
LOUIS-JULIEN PETIT : Résolument engagée, Isabelle Adjani tient ce rôle de citoyenne au fil de ses tournages. Elle est productrice associée du film et s’est donc mise corps et âme dans ce quotidien des médecins du travail. C’est un personnage double, complexe qui dénonce une réalité : la souffrance au travail. Ce problème la touche et ce film a du sens pour elle. Ce personnage de médecin généraliste qui a quitté son cabinet pour devenir médecin du travail en entreprise permet de révéler la souffrance. C’est sa passion et son oxygène.
Vous avez longuement observé des médecins du travail avant le tournage, qu’en retenez-vous ?
Il a d’abord fallu comprendre les problématiques du médecin du travail, son rôle préventif, les alertes collectives et j’ai découvert ce concept de qualité empêchée qui touche les salariés mis en incapacité de réaliser les tâches qui leur sont confiées. Ceci crée un trouble physique et psychique que seuls les médecins du travail peuvent rapidement déceler. Ils sont les plus proches des salariés et eux-mêmes soumis à une logique de rentabilité dont ils ont la liberté de s’extraire. Le suivi des salariés m’a paru très fort et j’ai été émerveillé par leur capacité d’écoute. Paradoxalement, ils sont aussi ceux que la direction a le moins envie d’entendre !
Que souhaitez-vous dénoncer à travers ce film ?
On a l’impression qu’il faut qu’il se passe quelque chose de dramatique dans une entreprise pour commencer à écouter les médecins du travail. Ils peuvent agir et leur action préventive devient majeure. La loi travail votée cette année cherche à les affaiblir alors que les médecins du travail ont besoin d’encadrer les salariés, d'une manière quasi intime, pour comprendre les répressions et les rapports de force. Carole Matthieu est un personnage complexe, une fiction qui décrit tout de même une réalité très crue. Cette approche volontairement radicale et frontale décrit subtilement le déni auquel les médecins du travail peuvent permettre d’échapper.
Ce film a-t-il modifié votre regard sur cette spécialité médicale un peu délaissée ?
Je ne comprends pas que la médecine du travail ne soit pas bien vue. Chirurgien cardiologue, cela paraît beaucoup plus sexy. Pourtant, médecin du travail en entreprise cela a un sens. Il faut aimer le suivi quotidien. C’est très rare et cela conduit, je pense, à une relation de confiance qui va bien au-delà des confidences à son médecin généraliste. C’est un suivi qui fait appel à des capacités d’écoute et humaine hors normes. On passe en moyenne 70 % de sa vie à travailler, suivre les patients de ce contexte me paraît particulièrement judicieux.
* « Carole Matthieu » (adapté du roman « Les visages écrasés » de Marin Ledun), dans les salles à partir du 7 décembre
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