Élu président de la République à 48 ans en 1974, Valéry Giscard d'Estaing, décédé mercredi à l'âge de 94 ans – après avoir été hospitalisé à plusieurs reprises ces derniers mois, notamment pour insuffisance cardiaque – se voulait l'incarnation d'une modernité triomphante, issue du centre droit libéral et démocrate-chrétien. Dans une France qui enterre les Trente Glorieuses et digère mai-68, il devient le premier non-gaulliste à s'emparer de l'Élysée.
Son élection fait souffler un vent de liberté sur le pays, après les années De Gaulle et Pompidou. Aux réformes progressistes – abaissement de la majorité à 18 ans, dépénalisation de l'avortement, fin de l'ORTF –, le nouveau président ajoutera un style inédit, s'affichant au ski ou sur un terrain de foot, convoquant sa fille sur ses affiches de campagne et son épouse Anne-Aymone lors de vœux télévisés pour la nouvelle année.
L'Auvergnat, qui n'hésitait pas à s'inviter chez les Français pour dîner, est toutefois un pur produit de l'élite française : polytechnicien et énarque, issu d'une grande famille bourgeoise. Son CV est inégalé : il fut inspecteur des finances, maire, député français et européen, ministre (pendant 12 ans), président de région, membre du Conseil constitutionnel, académicien et Président de la République.
Héritage
Son mandat unique de sept ans à l'Élysée fut un « intense moment de réformes », a salué ce jeudi Emmanuel Macron. « Celui qu’on appelait VGE ou Giscard permit aux jeunes de voter dès leurs 18 ans, aux femmes d’interrompre une grossesse non désirée en toute légalité, aux couples de divorcer par consentement mutuel, aux personnes en situation de handicap d’obtenir de nouveaux droits », résume l'hommage de l'Élysée.
La légalisation de l'Interruption volontaire de grossesse (IVG) reste à l'évidence la réforme la plus emblématique, portée dès le début du septennat par Simone Veil. Pendant vingt-cinq heures de débats extraordinairement violents, la ministre de la Santé avait subi les assauts de dizaines d’orateurs. « Des soudards », racontera-t-elle plus tard. Soutenue par le chef de l'État, contre sa majorité de droite, la loi est votée en première lecture en 1974 par 284 voix contre 189 (promulguée le 17 janvier 1975), permettant à une femme enceinte dans une situation de détresse de demander à un médecin l’IVG avant la dixième semaine. Il faudra une deuxième loi, adoptée le 31 décembre 1979, pour que l’avortement soit définitivement légalisé.
Crédit : AFP
Sur le plan de la santé publique, le début du septennat VGE se caractérise par la première loi française de lutte contre le tabagisme (juillet 1976), marquée par des restrictions à la publicité, des premières interdictions de fumer dans les lieux publics et l’apposition d’avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes.
L'antichambre de la maîtrise comptable
Mais c'est surtout le contrôle accru des dépenses de santé, à partir de 1977, qui reste ancré dans les esprits de nombreux professionnels de santé – Giscard ayant été un défenseur fervent de la stabilité monétaire et de l’équilibre budgétaire.
Devenue prioritaire, la réduction des dépenses maladie se traduit par un premier plan Veil qui stabilise l’offre de soins en réduisant le nombre de lits, contrôle la création d’équipements lourds et relève les cotisations vieillesse. Le ticket modérateur sur les médicaments de confort est relevé de 30 à 60 %. L'exécutif revoit la carte hospitalière en fermant des établissements à trop faible activité. En 1979, la création de la commission des comptes de la Sécurité sociale, incarnera cette supervision financière des dépenses.
En juillet 1979, Giscard choisit Jacques Barrot pour succéder à Simone Veil aux manettes de la Santé et de la Sécurité sociale. La dérive des dépenses de l'Assurance-maladie l'oblige à présenter immédiatement un plan très musclé pour redresser les finances de la Sécu. Le menu « Barre/Barrot » est amer : hausse des cotisations salariales mais surtout blocage de l'évolution des dépenses maladie, qui ne doivent plus progresser plus vite que le PIB. Le concept d'enveloppe globale apparaît (plafonnement du budget des hôpitaux, blocage du prix de journée des cliniques), les honoraires médicaux et dentaires sont gelés, une taxe sur la publicité des laboratoires est instaurée.
Le 23 octobre 1979, les portes des cabinets médicaux (et de l'ensemble des professions de santé) restent closes pour « préserver une médecine de qualité » face à cette compression programmée des dépenses de santé. Au lendemain de cette mobilisation nationale massive, « Le Quotidien du médecin » titrera « Les médecins debout ».
Mais les relations avec le corps médical resteront très tendues dans les mois qui suivent, marquées par le départ de la CSMF des négociations pour la signature de la convention nationale. Cette convention de mai 1980 – la troisième – signée par la seule FMF intègre la régulation des dépenses de santé (avec le principe d'objectifs sur les honoraires et les prescriptions) mais aussi la création d'un secteur II à honoraires libres.
Le 5 juin 1980, nouvelle manif des médecins libéraux à l'appel de la CSMF majoritaire, marquée par des heurts à Paris dans le secteur des Invalides. La centrale syndicale relatera des « matraquages », des « brutalités policières inadmissibles, blessant sévèrement cinq médecins ». « Les médecins défilent et... ils se souviendront », rapporte notre journal.
Cette coupure avec le milieu médical laissera des plaies profondes, certains y voyant même l'explication de l'échec de Giscard à la présidentielle de 1981. Pour une partie de la profession, notamment en médecine de ville, cette séquence symbolise le premier acte de la maîtrise « comptable » qui conduira progressivement jusqu'aux lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS) et à l'ONDAM (objectif national des dépenses maladie) du plan Juppé au milieu des années 90.
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