Plus de 20 ans après la loi Kouchner, trois ans après avoir été inscrite comme une priorité par la Haute Autorité de santé (HAS), la participation des usagers au système de santé a fait l’objet d’une enquête nationale qui recense les implications de patients. Devant des initiatives qui partent dans tous les sens, se pose la question de la nécessité ou non d'une nouvelle loi patients, tandis que le président de France Assos Santé estime que la démocratie sanitaire est plus que jamais nécessaire.
L'engagement des usagers au sein des secteurs sociaux, médicosociaux et sanitaires a fait l'objet d'un recensement national qui marque des avancées sensibles et laisse entrevoir un changement de paradigme.
Parmi les principales recommandations qu’elle a publiées en 2020 (reconnaissance et soutien des personnes engagées, remboursement des frais, validation des acquis de l’expérience, financement et cellule d’appui dédié), la Haute Autorité de santé (HAS) appelait au « développement de travaux de recherche et d’évaluation sur l’engagement des patients ». Les voici. Pilotés par la Fédération des organismes régionaux et territoriaux pour l’amélioration des pratiques et organisations en santé (FORAP), en lien avec les délégations régionales de France Assos Santé, ils font le point sur la participation des usagers au système de santé : ce qui marche, pour qui, dans quel contexte et à quelles conditions ? Au sein de 111 structures, 1 000 actions ont été recensées à propos desquelles médecins, infirmières, autres personnels de santé ainsi que des représentants des usagers ont renseigné 1 500 questionnaires.
« Les résultats de cet état des lieux sont bluffants, constate le Dr Pascal Jarno, médecin de santé publique au CHU Pontchaillou de Rennes, coordonnateur et membre de la coordination pour l’amélioration des pratiques professionnelles en santé (CAPPS) en Bretagne, et du groupement de coopération sanitaire (GCS). Nous enregistrons des avancées sensibles, même si beaucoup restent à faire en termes de visibilité et de valorisation. De nombreuses expériences sont réussies avec des implications de patients et de leurs représentants. Les professionnels expriment massivement leur volonté d’inscrire la culture partenariale au cœur de leurs pratiques, tout en déplorant leur manque de connaissance sur les modalités d’action. »
Peu d’encadrements et guère de rémunérations
C’est dans le domaine des soins, de leur dispensation et leur accompagnement, que participent surtout les usagers (44 % de l’ensemble de leurs engagements). Ils mettent en œuvre des activités de soutien (66 %), d’accompagnement individuel (40 %), de programmes d’éducation thérapeutique (35 %), 71 % de ces démarches s’inscrivent au sein d’équipes et 34 % relèvent d’initiatives individuelles. Seulement 25 % passent par le canal d’une association d’usagers et moins de la moitié (39 %) bénéficie d’un encadrement sous la forme d’une lettre de mission, d’une charte, d’un protocole ou d’un contrat. Elles sont bénévoles dans leur quasi-totalité : 3 % des usagers reçoivent une rémunération.
11 % des usagers impliqués participent à la formation des personnels. Parmi eux, 54 % contribuent à la formation initiale en témoignant de leurs expériences personnelles, 29 % collaborent avec les enseignants pour la production de contenus pédagogiques, 27 % participent même à l’animation des enseignements. Mais là encore, ils ne bénéficient ni d’un encadrement (seulement 34 % en disposent), ni d’une rémunération (7 % sont indemnisés).
Évidemment, des freins subsistent chez les professionnels comme chez les usagers. Chez les personnels, le manque de temps est surtout évoqué (51 %), ainsi que la faiblesse des moyens financiers, matériels ou logistiques (30 %). Des obstacles sont aussi opposés par la hiérarchie (7 %), et parfois par les collègues (5 %). Côté usagers, c’est l’incapacité physique et cognitive qui est mise en cause (28 %), ainsi que le manque de disponibilité (26 %), le manque d’intérêt (24 %) et le manque de compétences (22 %).
Attention à une nouvelle loi
L’analyse de ces diverses données conduit, selon le Dr Jarno à « la nécessité de mettre en place des équipes de facilitation de la participation des usagers, en formalisant le fonctionnement de leurs engagements. Il faut savoir comment contacter les usagers et comment les solliciter au niveau institutionnel. »
En l’état, « ces initiatives partent aujourd’hui dans tous les sens », estime Gérard Raymond, en souhaitant un nécessaire cadrage. Il ajoute : « Il serait prétentieux de vous dire qu’un collectif marche d’un seul et même pas quand il regroupe plus de cent structures non seulement de patients, mais aussi d’usagers, de consommateurs, de familles, de personnes âgées ou de personnes handicapées. Toutes ces structures interviennent sur les sujets les plus variés et les plus spécialisés. Cela dit, nous nous réunissons tous autour de la nécessité de ne plus être seulement des représentants, mais bien des participants à l’élaboration d’un nouveau système de santé, pour apporter des propositions responsables et collectives. Nous nous retrouvons autour de valeurs de solidarité et de répartition qui fondent notre pacte social ».
Le Dr Jarno préfère dire que « la démocratie en santé connaît aujourd’hui un bouillonnement prometteur. Un changement de paradigme se dessine, comparable à celui suscité dans les années 1990 avec la certification et l’accréditation. À l’heure où tant de professionnels souffrent et parfois craquent, la démocratie sanitaire pourrait redonner du sens aux engagements des uns et des autres. Cela va nécessiter du temps pour formaliser les diverses démarches. » Une nouvelle loi serait-elle nécessaire ? « Attention, prévient le PH, il ne faudrait pas casser les dynamiques participatives en adoptant trop vite des réglementations et des législations. »