C’est l’arrêté qui fâche les patients et leurs représentants. Il les a oubliés. Publié le 28 mars 2022, signé par les ministres de l’Intérieur et de la Santé, il a fixé la liste des affections médicales incompatibles avec la conduite automobile et il retire ou restreint le droit de conduire aux patients souffrant de problèmes de vue et d’ouïe, de pathologies cardiaques, de diabète, d’addictions à l’alcool ou aux produits stupéfiants, d’épilepsie et de maladies neuro-évolutives. Soutenues par la Société française de neurologie, trois associations qui affirment ne pas avoir été consultées sont montées au créneau et ont déposé un recours en annulation devant le Conseil d’État : Union France Alzheimer et maladies apparentées, APF France Handicap et France Parkinson. Elles demandent l’annulation des articles qui visent leurs adhérents. Pour les patients Alzheimer, l’arrêté prescrit l’annulation du permis suivant le stade 6 de l’échelle de Reisberg, un outil que les spécialistes n’utilisent plus depuis plus de vingt ans. Pour les patients Parkinson, l’avis d’un médecin agréé est obligatoire dès qu’ils ont connaissance de leur affection (article 4). « Cet arrêté démontre que les pouvoirs publics méconnaissent les maladies neuro-évolutives et autres troubles neurologiques et qu’ils ignorent les conséquences désastreuses que leur décision précipitée peut engendrer, s’indigne la directrice générale de France Parkinson, Amandine Lagarde. Il empêche de conduire tous les patients sans distinction, du jour au lendemain, alors que la maladie débute le plus souvent par des symptômes moteurs bien contrôlés et compensés par les traitements médicamenteux pendant plusieurs années, ils n’ont aucun impact sur l’aptitude à la conduite automobile. »
Les associations de patients ni consultées, ni informées
« Ce qui nous scandalise, poursuit Mme Lagarde, c’est que les associations de patients n’ont été ni consultées, ni informées, en amont comme en aval de la décision. Nous avons découvert le décret en étant alerté par un adhérent. Nous avons sollicité la déléguée à la Sécurité routière et la Défenseure des droits sans obtenir de retour, un membre du cabinet de la Première ministre nous a reçus sans nous apporter aucune suite, alors que nous sommes devant un enjeu majeur de santé public, le retrait du droit de conduire renforçant l’isolement et l’exclusion sociale des personnes malades et de leurs aidants. »
Au ministère de l’Intérieur, on insiste sur le fait que l’arrêté est le « fruit d’une large concertation avec les conseils nationaux des spécialités médicales concernées, ainsi qu‘avec les représentants des médecins agréés pour l’aptitude », mais on ne nie pas que « les associations de patients n’ont pas été mises dans la boucle ». La Sécurité routière, présente sur un stand au 16e congrès de médecine générale France (CMGF), a lancé sa nouvelle campagne « Docteur, est-ce que c'est grave si je conduis ? », pour sensibiliser des généralistes et des spécialistes, avec des affiches destinées aux salles d’attente des praticiens. « Le médecin doit indiquer à son patient devant certains troubles neurologiques, qu’ils sont incompatibles avec la conduite, lorsque tel est le cas, nous précise-t-on au ministère de l’Intérieur. Le médecin ne peut pas, en France, dénoncer son malade. Il est soumis au secret médical absolu. Il lui est plus que préconisé de tracer dans son dossier, le fait qu’il a bien délivré l’information au patient. »
Le Conseil d’État devrait trancher au plus tôt à l’automne. Les associations requérantes espèrent qu’il fera droit à leurs arguments médicaux et juridiques, comme l’absence de mesure d’accompagnement et de possibilité de recours contre l’avis du médecin agréé. Mais elles alertent leurs adhérents : leur recours n’est pas suspensif et nul n’est censé ignorer la loi.
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