Grippe A(H1N1)v-Campagne de vaccination contre H1N1

La grippe chronophage dans les cabinets

Publié le 08/12/2009
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Crédit photo : S TOUBON

SI LES CABINETS des médecins de ville ne sont pas ouverts à la vaccination contre H1N1, la grippe s’y est bel et bien invitée, empruntant le plus souvent le canal… téléphonique. Tous les libéraux le disent, outre les questions désormais systématiques posées dans le cadre des consultations, les appels relatifs au virus, aux vaccins ou à la campagne explosent. Témoignages.

• Dr Yvon Le Flohic, généraliste à Ploufragan (Côtes-d’Armor)

« Les patients appellent tout le temps, à telle enseigne que je suis contraint de filtrer les appels, faute de temps. J’ai beaucoup de questions sur les adjuvants et sur la nécessité de vacciner les enfants. Je leur réponds que je ne suis pas prescripteur dans ce cas précis, et qu’il m’est difficile de répondre précisément sans examen ni auscultation préalable. Je note que les interrogations des patients relèvent plus de l’émotionnel que du rationnel et je leur précise toujours que dans notre département, les Côtes d’Armor, la grippe A n’a provoqué pour l’instant aucun décès. J’estime que je consacre au moins une heure et demi par jour à ces questions posées par les patients. Ce ne me dérange pas car cela fait partie de mon travail, mais la logique la plus élémentaire voudrait que je vaccine après ! À titre personnel, je réclame l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur les raisons de cette campagne et sur la façon dont elle se déroule. La littérature médicale nous enseigne qu’une campagne de vaccination massive ne peut espérer produire d’effet qu’à partir d’un seuil minimum de 40 % de la population. Or, on nage vraiment en plein délire avec cette campagne étatique qui n’a réussi à vacciner jusqu’à présent que 3 % de la population en un mois ».

• Dr Martine Raynaud, généraliste à Bondy (Seine-Saint-Denis)

« Actuellement, les deux tiers des appels que je reçois à mon cabinet proviennent de patients qui m’interrogent au sujet de la vaccination. Ils appellent toute la journée et veulent avant tout savoir s’ils doivent se faire vacciner. Ils m’interrogent aussi sur les complications à craindre et sur les risques encourus en général. Je n’ai pas toujours la réponse à leurs questions, car nous ne sommes pas si bien informés sur ce sujet.

J’estime que tout cela me prend un tiers de mon temps de consultation actuellement. Cela perturbe évidemment mon exercice, et entre les appels téléphoniques et les questions des patients présents à mon cabinet, cela double presque le temps de chaque consultation ».

• Dr Michel Combier, médecin généraliste à Toulouse (Haute-Garonne)

« Les collègues me disent qu’ils passent une heure à une heure et demie par jour, en moyenne, à gérer uniquement les appels et les questions sur la grippe. On a des inquiets, des angoissés, des gens qui demandent des certificats pour l’école, des questions en tout genre : " Pourquoi n’ai-je pas été mis sous Tamiflu ? Il y a trois enfants malades dans la classe de mon fils…qu’est-ce que je dois faire ? J’ai croisé quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a la grippe. C’est grave ? Dois-je vraiment me faire vacciner ? Quel est le risque ?... ". C’est sans arrêt ! La difficulté, c’est qu’il ne suffit pas de leur répondre " allez vous faire vacciner. Point ". Il faut expliquer argumenter, rassurer. Est-on démuni ? Non, nous sommes quand même médecins. On sait faire la lecture critique d’articles, même si chacun garde ses convictions. »

Le Dr Combier est aussi président de l’UNOF, branche généraliste de la CSMF.

• Dr André Deseur, généraliste à Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne)

« Je suis interrogé au téléphone très régulièrement par mes patients, et plus encore depuis une dizaine de jours. De plus, chaque consultant me pose aussi des questions. Je reçois au moins dix appels par jour sur ce thème, et chacun dure au moins trois minutes. Mes patients veulent savoir s’ils doivent se faire vacciner, ce qu’il faut penser des adjuvants et conservateurs contenus dans les doses, et me demandent aussi pourquoi je ne peux pas les vacciner moi-même. Je me sens suffisamment informé pour leur répondre, il y a des sites officiels qui permettent d’avoir réponse à leurs questions. Entre les appels téléphoniques et les questions des patients lors d’une consultation, j’estime le temps passé à au moins une heure par jour, cela me fait prendre du retard. »

Le Dr Deseur est aussi conseiller national de l’Ordre des médecins.

• Dr Jean-Michel Muller, pédiatre libéral à Nice (Alpes-Maritimes)

« On a clairement un tiers d’appels en plus uniquement liés à la grippe A depuis une grosse semaine, c’est-à-dire depuis l’envahissement des centres de vaccination. Pour les pédiatres qui n’ont pas de secrétariat, cette multiplication des demandes de conseils et d’informations est parfois difficile à gérer dans l’organisation de la journée de consultation. Pour nous la question qui revient sans cesse est " dois-je faire vacciner mon enfant ? ". Mais on est aussi très sollicités à propos du vaccin lui-même, de la possibilité de se faire vacciner sans adjuvant même si on n’a pas les indications… A-t-on tous les éléments pour répondre ? Un médecin propose ce que la science met à sa disposition. Là, si on ne conseille pas le vaccin, on n’a rien d’autre. Pour le reste, j’ai quand même participé à cinq réunions " grippe " depuis septembre, notamment avec des infectiologues, on est quand même rôdés et bien armés pour répondre à nos patients. »

 PROPOS RECUEILLIS PAR CYRILLE DUPUIS ET HENRI DE SAINT-ROMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr