Anticipant les critiques, Marisol Touraine a d’abord défendu sa loi en creux : ni un grand mécano institutionnel, ni une loi de santé publique « où les objectifs se comptent par dizaines ».
En dévoilant jeudi les orientations de ce texte, la ministre a en tout cas placé la barre très haut : « il y aura un avant et un après », le quotidien de « millions de Français » sera « transformé », l’enjeu est de « refonder » le système de santé pour répondre aux défis du vieillissement, des maladies chroniques et de l’innovation.
Santé publique : la promesse d’un changement de braquet
Si le projet de loi suit une ligne directrice (la réduction des inégalités qu’il faut combattre « à la racine »), la pléthore des sujets traités a donné le tournis aux acteurs comme aux observateurs. Surtout, le flou sur les modalités des mesures, l’incertitude sur les moyens financiers et l’élasticité du calendrier (l’examen du texte à l’Assemblée commencera au début de l’année 2015...) n’apportent aucune garantie.
Le premier volet du projet de loi, qui ancre la prévention et l’éducation à la santé au cœur des politiques avec deux cibles prioritaires, la jeunesse et les personnes fragiles (lire ci-dessous), a été largement salué. Parcours éducatif en santé, médecin traitant de l’enfant, information plus claire sur la qualité nutritionnelle, lutte contre le « binge drinking », réduction des risques en milieu carcéral... : autant de mesures de bon sens qu’il faudra traduire en actes avec des moyens.
Service territorial de santé ou bureaucratisation ?
Le deuxième axe stratégique, la mise en place d’un service territorial de santé au public, censé aiguiller les patients « perdus dans un système opaque », à partir de soins primaires mieux structurés, pose davantage question à la profession.
Car au sein de cet énorme chapitre sur l’accès aux soins, le gouvernement passe en revue des sujets explosifs : la généralisation du tiers payant d’ici à 2017 (lire ci-dessous) ; le renforcement du rôle des ARS pour les autorisations d’activité et la PDS ; ou encore l’identification d’un « service public hospitalier rénové » conçu comme un « bloc d’obligations » à respecter (permanence d’accueil et de prise en charge, délais raisonnables, accès aux soins sans dépassements d’honoraires). Ce schéma assez dirigiste mécontente une partie du monde libéral qui y voit une « logique d’étatisation » et même une loi « HPST bis ». Oublié des textes, le rôle du médecin spécialiste de proximité reste à préciser.
Lettre de liaison, numéro unique pour la PDS
Côté établissements, pas de révolution mais la volonté de rationaliser. La loi rendra obligatoires les groupements hospitaliers de territoire afin de mutualiser certaines activités (systèmes d’information, formation initiale, achats). Au menu également : la régulation de l’exercice libéral à l’hôpital public et le plafonnement des rémunérations des médecins « mercenaires ».
D’autres mesures devraient mieux guider le patient dans le dédale sanitaire comme le numéro unique à trois chiffres dans chaque département pour la garde en ville (une idée de MG France), le programme personnalisé de soins pour les patients chroniques ou encore la lettre de liaison pour chaque patient à la sortie de l’hôpital.
Quant au dossier médical, désormais à nouveau « partagé », avec messagerie sécurisée, il est relancé en tant qu’outil de coordination et de partage (lire page 3). Sa maîtrise d’œuvre est confiée à l’assurance-maladie, après l’échec total du pilotage actuel. Le feuilleton continue.
Épines conventionnelles
Le projet de loi aurait pu en rester là. Mais dans son ambition de corriger tous les dysfonctionnements du système, le gouvernement a promis des mesures de soutien à l’innovation, l’évolution des métiers de santé (infirmiers cliniciens), un geste pour les sages femmes (prise en charge de l’IVG médicamenteuse), la réorganisation du troisième cycle des études et une énième version du DPC !
La nouvelle étape de démocratie sanitaire se traduira en particulier par la probable instauration d’une action de groupe lorsque les patients font face aux dommages sériels en santé.
Last but not least, Marisol Touraine promet un aggiornamento de la gouvernance qui passera par la rénovation du dispositif conventionnel. Si la négociation nationale « reste le cadre de référence », elle devra être adaptée à l’échelle régionale. La CSMF a prévenu qu’elle combattrait tous les transferts de compétences de la convention médicale vers les ARS.
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier
Soumission chimique : l’Ordre des médecins réclame un meilleur remboursement des tests et des analyses de dépistage
Dans les coulisses d'un navire de l'ONG Mercy Ships