LE QUOTIDIEN : A la lumière de votre expérience syndicale, avez-vous constaté une évolution de l'écoute des jeunes médecins par les pouvoirs publics ?
Dr JULIEN LENGLET : Le pouvoir des jeunes a été croissant essentiellement parce que la nouvelle génération porte une vision de la médecine plus qualitative et moins productiviste. Les jeunes ont la volonté farouche de concilier vie professionnelle et personnelle, ce qui ne correspond plus du tout à la médecine libérale de leurs aînés. En pratique, ils envisagent aussi parfaitement de changer d'exercice, à un moment donné de leur vie, entre la ville et l'hôpital.
Il y a une émancipation de la jeunesse médicale par rapport au sacerdoce que représentait ce métier. Et ce message commence à porter. Je retiens deux évolutions à leur actif : le renforcement de la protection sociale des jeunes médecins ; et la mise en place d'une gamme de statuts se rapprochant du salariat comme le praticien territorial de médecine générale [PTMG] ou ambulatoire [PTMA] qui garantit un niveau de revenus quel que soit le nombre d'actes réalisés.
Marisol Touraine a donné le feu vert aux structures jeunes pour participer aux futures négociations conventionnelles en tant qu'observateurs. Est-ce une opportunité ?
Oui c'est indispensable, sinon des modes de négociations parallèles se mettront en place ! Les médecins libéraux seniors défendent un modèle qui tombe en ruine. Ils auraient intérêt à s'ouvrir dès maintenant à l'exercice de demain – diversifié, regroupé, pluriprofessionnel et avec de la capitation – sinon ils passeront à côté du changement profond que les jeunes sont en train d'insuffler.
On peut à cet égard se demander si la convention médicale a encore un avenir. Les jeunes s'installent de plus en plus tard, le nombre de remplaçants flambe. Nous aurons demain une proportion significative de jeunes médecins qui n'ont ni droit de vote aux Unions régionales de professionnels de santé [URPS] ni représentation officielle aux négociations conventionnelles ! La question du contournement de la convention va se poser. S'il n'y a pas de pleine intégration des jeunes aux décisions qui les concernent, la convention mourra dans les prochaines années et elle sera remplacée par une multitude d'éléments réglementaires – comme cela vient de se produire avec la baisse des tarifs de la radiologie libérale en dehors de tout mécanisme conventionnel...
Les revendications communes des structures jeunes – liberté d'installation, protection sociale, rémunération diversifiée – sont-elles pertinentes ou déconnectées de la réalité ?
Il y a un peu des deux ! On ne peut pas avoir une vision claire et parfaite de la médecine libérale sans être libéral soi-même. On découvre une partie de la réalité professionnelle... quand on s’installe. Le cœur des revendications des jeunes médecins est quand même l'aspiration à une meilleure qualité de vie et à un équilibre pour la vie personnelle. Il faut s'adapter à ces aspirations de la nouvelle génération, même si ça semble irréaliste par rapport au système actuel...
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