La chronique de Richard Liscia

La survie politique de Fillon en question : une campagne atomisée

Par
Publié le 06/02/2017
Article réservé aux abonnés
Une campagne atomisée

Une campagne atomisée
Crédit photo : AFP

Le tableau du « Pénélopegate » est saisissant. Les montants des sommes versées à trois membres de la famille Fillon au titre de l'assistance parlementaire sont anormalement élevés ; les explications fournies par l'ancien Premier ministre sont le modèle d'une communication exécrable, qu'explique son embarras personnel ; sa description d'un complot du pouvoir de gauche pour le discréditer est pathétique parce qu'il n'avance aucune preuve ; Mme Fillon reconnaît dans un film tourné en 2007 qu'elle n'est pas l'assistante parlementaire de son mari ; à quoi s'ajoute la révélation de l'existence d'une société conseil créée en 2012, juste avant qu'il ne soit réélu député et qui aurait rapporté à ce jour à M. Fillon plus de 700 mille euros. Il peut inspirer à ses amis une compassion infinie, il n'échappe pas à une image où la couleur de la cupidité a très vite remplacé celle de l'intégrité.

Le problème, c'est que François Fillon était considéré dans toute la France comme l'homme qui devait être élu président de la République cette année ; il est en outre le candidat unique de la droite et, bien qu'il ait été soumis à un tir de barrage d'une gauche désespérée de figurer au second tour, il apparaissait à l'opinion publique comme le président éventuel dont même ses adversaires devraient ou pourraient s'accommoder. Malgré les ambitions d'Emmanuel Macron, malgré les regrets exprimés à droite et au centre au sujet de la défaite d'Alain Juppé, M. Fillon semblait inéluctable et, du coup, acceptable, y compris pour ceux qui ne voteraient pas pour lui.

Une chute brutale

C'est de ce piédestal qu'il tombe lourdement. Il était le candidat d'une alternance d'autant plus certaine que l'exécutif précédent laisse le pays dans un état déplorable. La gauche s'étant surpassée en désignant un candidat qui, loin de faire amende honorable, propose un programme plein de bonnes intentions mais susceptible de détruire notre capacité de production, les idées de M. Fillon, du coup, ont pris de la valeur. Il serait sans doute rigide dans sa manière de gouverner, mais lui, au moins, irait dans le sens du redressement de la France. Sa chute brutale fait qu'il manque à ses amis, qu'il manque à son électorat, qu'il manque à ceux de la droite et du centre qui n'ont pas voté pour lui et qu'il manque au pays en général.

En d'autres termes, il a acquis une crédibilité programmatique qu'il possède encore aujourd'hui. Mais pour appliquer sa plate-forme, encore faut-il qu'il retrouve le niveau de popularité qu'il a perdu dès la fin de décembre parce que, là encore, il n'a pas su expliquer ces arêtes de sa plate-forme qui ont inquiété l'opinion, et dont la gauche a fait une présentation caricaturale. Son discours du 30 janvier aurait suffi, en temps normal, à lui permettre de remonter vivement la pente. Mais, inscrit dans le contexte du scandale, il n'a pas eu d'effet. La question, aujourd'hui, ne porte pas sur le degré de culpabilité de M. Fillon. Elle porte uniquement sur sa capacité à passer le cap du premier tour. Ses meilleurs amis savent qu'il a perdu cette capacité et c'est pourquoi il doit se démettre. Il ne s'agit donc pas d'un problème psychologique, moral ou humain. Il s'agit du point culminant d'une crise historique. Au moment d'une alternance que tout justifie, l'absence d'un candidat de droite fort serait anormal et dangereux, car il jetterait nombre d'électeurs de la droite et du centre dans les bras de Marine Le Pen.

La totalité de la campagne, en effet, s'est déroulée sous le drapeau du Front national. Il a inoculé assez de populisme dans les comportements de l'électorat pour balayer Duflot, Sarkozy, Juppé et Valls et pour hisser Hamon à la tête de la gauche. Même M. Macron bénéficie d'une forme de populisme, qui n'est rien d'autre qu'un désir de changer les têtes. Dans cette configuration politique atomisée où les Mélenchon, Hamon et Le Pen mènent le bal, on ne sait pas si Emmanuel Macron peut les battre. Mais on est convaincu que la droite a besoin d'un leader fort et indiscutable.

 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9553