DÉJÀ MIS A MAL par une baisse régulière de leurs effectifs (ils sont passés de 24 000 en 2004 à 18 000 aujourd’hui), les visiteurs médicaux (VM) voient leur avenir s’assombrir encore depuis l’annonce par Xavier Bertrand de son projet de réforme du médicament. Le ministre de la Santé propose, entre autres mesures, d’interdire à l’hôpital la visite médicale individuelle (de façon expérimentale), de la limiter au seul cadre collectif, avant extension éventuelle de ce principe à la médecine de ville, mais aussi de renforcer les contrôles. Avant même la publication du projet de loi, le rapport Debré-Even sur le contrôle de l’efficacité et de la sécurité des médicaments prônait la suppression des VM, suivi par le dernier rapport de l’IGAS.
À l’Union nationale de syndicats autonomes (UNSA), Philippe Chaumette est secrétaire général de la branche chimie pharmacie. Ancien visiteur médical, il insiste sur la nécessité d’intégrer les VM à la concertation que Xavier Bertrand va engager sur la refondation de ce métier. La visite collective à l’hôpital ? « J’ai du mal à trouver un intérêt à cette mesure », lâche-t-il, soulignant que si cela se fait déjà dans certains hôpitaux, il ne voit pas comment cela pourrait se généraliser. À la CFE-CGC Chimie, Isabelle Fréret est représentante de la branche industrie pharmaceutique. La visite collective ne trouve pas grâce non plus à ses yeux : « Ce sera sans doute possible dans les grandes structures type CHU, estime-t-elle, mais pas dans les hôpitaux locaux où il n’y a parfois qu’un médecin. Xavier Bertrand a une vision trop parisienne des hôpitaux. Quant à l’extension du dispositif à la ville, comment fera-t-on dans les zones isolées ? »
Promotion et information, deux mondes distincts.
La profession souffre du climat de suspicion qui entoure aujourd’hui le métier de VM. « Les pouvoirs publics veulent mettre en place des stratagèmes, comme la visite collective, pour tenter de limiter l’impact de la VM, mais mieux vaudrait mettre en place un véritable contrôle », analyse Philippe Chaumette. Il est d’accord avec Xavier Bertrand sur la nécessité de recentrer le métier sur l’information, plutôt que la promotion, et avance même des propositions : « Il faut laisser la VM gérée par l’industrie, mais avec un contenu mieux contrôlé par les autorités de santé. Pourquoi l’AFSSAPS ne déléguerait-elle pas dans chaque labo faisant de la visite un correspondant chargé de contrôler le contenu » ? Même tonalité offensive chez Isabelle Fréret : « Depuis l’affaire Mediator, on ne nous a jamais intégrés aux réflexions sur la visite médicale, regrette-t-elle. Même les Assises du médicament n’avaient pas prévu de place pour nous, il a fallu qu’on s’y invite pour être finalement intégrés. Nous avons fait des propositions, comme limiter le "ciblage" des visites par les labos, qui se concentrent sur les gros prescripteurs ». Isabelle Freret n’est pas opposée au contrôle accru des laboratoires : « La formation est validée par un diplôme reconnu. L’information délivrée est validée par le pharmacien responsable. Mais s’il faut ajouter un contrôle par les agences sanitaires, on n’y voit pas de problème ».
Dans ce contexte, quel avenir pour la VM ? « Depuis trois ou quatre ans, les plans sociaux se succèdent, précise Isabelle Fréret. Au début, ils étaient confortables avec des mises à la préretraite, mais aujourd’hui, les plus âgés sont déjà partis, il n’est pas possible de mettre un VM de 45 ans en préretraite ». Philippe Chaumette ajoute que des écoles continuent à former des VM. « On a des jeunes diplômés en grand nombre qui vont arriver sur le marché, assure-t-il, qu’est-ce qu’on va en faire ? »
L’ambiance qui règne dans la profession est particulièrement morose. « Comment voulez-vous qu’elle soit bonne ? », interroge Philippe Chaumette qui rappelle la spirale très négative des derniers mois : « la suppression et le recyclage des VM ont été évoqués dans le rapport de l’IGAS, avant, il y avait eu Martin Hirsch qui avait eu des mots durs à notre encontre, et Xavier Bertrand a pris le relais. Ca fait mal ».
Pour lui, les entreprises du médicament doivent balayer devant leur porte. « L’industrie a longtemps fait tout ce qu’elle a pu pour que le message des VM soit plus promotionnel qu’informatif. Elle n’a pas du tout anticipé les problèmes qui en découlent aujourd’hui. Elle est responsable pour une bonne part de ce qui se passe ».
Procès.
Du côté des laboratoires, précisément, le président du LEEM, Christian Lajoux, monte au créneau pour dénoncer le procès fait aux VM. « Trop c’est trop, indique-t-il au « Quotidien ». Il ne faudrait pas que les VM deviennent les boucs émissaires de la crise. Les industriels ont salué la nécessité de participer à la refondation de la politique sanitaire, mais pas au point de sacrifier les VM qui représentent 18 000 emplois ». Le patron du LEEM a son idée sur les raisons de la cristallisation des esprits sur la VM : « Il est plus facile de faire le procès des visiteurs médicaux que de s’interroger sur la formation des médecins, sur les référentiels de la HAS [Haute Autorité de santé], sur l’évaluation qualitative de l’information diffusée par les médias, ou que de mettre en place une véritable politique de prévention ». Se disant « dans la nécessité de pousser un coup de gueule », Christian Lajoux poursuit : « Les VM sont victimes d’une situation dans laquelle ils n’ont joué aucun rôle, alors que tout a été mis en œuvre depuis sept ans pour améliorer la qualité de leur travail. Les visiteurs médicaux français sont diplômés (Bac+3), et la France est le seul pays au monde où une charte a été signée sur la VM entre les pouvoirs publics et l’industrie ».
Mado Gilanton, responsable régionale chez Pfizer, n’est pas complètement sur la même longueur d’onde : « L’ambiance chez nous peut se résumer à inquiétude, injustice et incompréhension. On nous cloue au pilori, et en plus, on n’est pas sûrs que ça n’arrange pas nos directions qui ont du mal à poursuivre les plans sociaux dans notre secteur ».
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