Emmanuel Macron veut en faire le tournant social de son quinquennat, les soignants et les médecins du pays attendent déjà un tournant tout court.
Lancé en début de semaine par Édouard Philippe et Olivier Véran, le Ségur de la santé, vaste concertation destinée à améliorer les conditions de travail et la rémunération des professionnels du secteur, sonne autant comme une opportunité de remettre à plat un système épuisé par des années de rigueur budgétaire que comme le plan de la dernière chance pour l'exécutif.
De fait, cette séquence signe l'avènement d'un rapport de force nouveau entre les soignants, considérés comme des héros par les Français pour avoir tenu l'hôpital public à bout de bras ces deux derniers mois, et le gouvernement, sommé de traduire en actes concrets des promesses présidentielles lourdes de sens.
Ni recyclage, ni saupoudrage ?
Au cœur de l'épidémie, le chef de l'État a multiplié les effets d'annonce. « L’engagement que je prends ce soir pour [les soignants] et pour la nation tout entière, c’est qu’à l’issue de cette crise, un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital. [...] Cette réponse sera profonde et dans la durée », a-t-il lancé le 25 mars à Mulhouse. Le 15 mai, Emmanuel Macron a concédé une « erreur » dans la stratégie Ma Santé 2022, pas forcément sur le cap mais résolument dans le rythme.
Le gouvernement n'a eu d'autre choix que de concentrer la concertation afin de « déboucher sur des décisions en juillet », a assuré le premier ministre. Qui a promis d'emblée des « moyens nouveaux pour l’hôpital » afin de changer « le quotidien des personnels soignants dans les tout prochains mois ».
Pas question d'un énième recyclage des moyens ou d'un nouveau saupoudrage de primes. Le locataire de Matignon l'a assuré : « la revalorisation [des rémunérations] sera significative. Comme le sera l’augmentation de l’ONDAM [dépenses annuelles d'assurance-maladie, NDLR] dans les années à venir ». Les premières mesures verront le jour dès le prochain budget de la Sécu (PLFSS 2021). La « reprise massive de dette » à hauteur de 10 milliards d'euros et les 150 millions d'euros d'investissement annuels annoncés en novembre seront non seulement maintenus mais amplifiés.
Groupe « carrières et rémunérations »
C'est donc au pied du mur qu'Olivier Véran a ouvert mardi la négociation avec 300 acteurs de la santé – syndicats de personnels, paramédicaux et médecins, collectifs, fédérations et conférences hospitalières, directeurs, jeunes, libéraux, autorités sanitaires, élus, usagers.
Maîtresse de cérémonie, l'ancienne patronne de la CFDT Nicole Notat doit animer pendant un mois le « comité Ségur national », chargé du pilotage de la concertation autour de quatre axes : « transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent ; définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins ; simplifier radicalement les organisations et le quotidien des équipes ; fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers ».
Conscient des attentes, le ministère a ouvert immédiatement un groupe de travail ad hoc pour traiter la question hautement sensible des « carrières et des rémunérations » dans les établissements publics de santé et les EHPAD publics, pour le personnel médical et non médical. Les cliniques doivent entamer des négociations parallèles, a précisé l'exécutif, soucieux de ne laisser personne au bord de la route.
Miser gros dans la négo
Dopés par un an de conflit, la démission de 1 300 médecins (de leurs fonctions administratives) et par le soutien des Français, tous les acteurs hospitaliers avancent leurs pions avec détermination.
D'autant que le calendrier resserré invite à miser gros, à l'instar de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui réclame une hausse de deux milliards par an pour l'investissement dans les hôpitaux et la suppression des COPERMO – ces comités interministériels de la performance et de la modernisation devenus les symboles du carcan budgétaire. Les collectifs réitèrent leur demande d'arrêt de la politique de fermetures de lits.
Réunies en front commun, les centrales de PH exigent un « financement à la hauteur des besoins des concitoyens, une gouvernance hospitalière rénovée associant les professionnels aux décisions stratégiques et un investissement massif dans les carrières hospitalières ». Pour la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), le gouvernement doit cette fois proposer un « choc d’attractivité pour tous les métiers du soin » dans les hôpitaux publics et privés, et en ville. Pas en reste, les jeunes de l'ISNI militent pour une augmentation « immédiate de 300 euros brut mensuel pour tous les personnels de l’hôpital et tous les internes ». Quant à la médecine de ville, elle redoute que ce Ségur de la santé se transforme en « plan hôpital » et ignore ses revendications (revalorisation de l'exercice libéral, simplification, valorisation des soins non programmés, etc.).
Déjà, la question de l'assouplissement du temps de travail à l'hôpital attise la crainte d'un délitement du statut et du service public. Des foyers de contestation pointent comme les « mardis » et « jeudis de la colère » avec en point d'orgue une manifestation le 16 juin, à l'appel des syndicats les plus méfiants. À l'heure du virage, le gouvernement reste attendu au tournant.
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