Quarante ans après

L'échec du vaccin anti-VRS des années 1960 est expliqué

Publié le 15/12/2008
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

LE VRS est la principale cause d'infections respiratoires sévères et d'hospitalisation chez les nourrissons. Très contagieux, il est transmis par les gouttelettes respiratoires et diffuse lors des épidémies annuelles de décembre à mars dans les pays tempérés. Environ 50 % des enfants contractent le virus avant l’âge de 1 an et 100 % des enfants avant 3 ans.

Il n’existe toujours pas de vaccin commercialisé contre le VRS. En effet les essais menés à la fin des années 1960 pour évaluer un vaccin contenant le VRS inactivé se sont soldés par un échec total et l'absence d'explication a entravé le développement d'un vaccin depuis 4 décennies.

Ce vaccin inactivé par le formol (FIRSV) était immunogénique, mais il suscitait une réponse anticorps qui n'était pas protectrice et aggravait même la maladie : lorsque les enfants vaccinés dans le jeune âge, et préalablement séronégatifs pour le VRS, rencontraient ultérieurement le virus, ils développaient une maladie pulmonaire plus sévère, qui fut fatale dans 2 cas.

L'équipe du Dr Fernando Polack, de l'université Johns Hopkins à Baltimore, est parvenue à comprendre les raisons de cet échec.

Faible avidité des anticorps.

Chez la souris, les chercheurs montrent que l'absence de protection n'était pas due aux altérations d'antigènes causées par le formol, mais plutôt à une faible avidité (ou affinité fonctionnelle) des anticorps pour les épitopes protecteurs. En effet, le vaccin inactivé par le formol ne stimule que faiblement les récepteurs Toll-like (TCR) sur les cellules B, ce qui conduit à l'absence de maturation d'affinité des anticorps. De ce fait, les anticorps ne sont pas protecteurs et sont incapables de neutraliser le VRS, qui peut se multiplier à souhait dans les muqueuses respiratoires et stimuler secondairement les cellules Th2 primées par le vaccin. De plus, les anticorps de faible avidité contribuent à aggraver la maladie en formant des complexes immuns qui se déposent dans les tissus respiratoires affectés.

En incluant des agonistes TLR dans ce vaccin, les chercheurs ont réussi à protéger les souris contre le VRS. « Nous montrons que la maturation de l'affinité des anticorps (c'est-à-dire la force de liaison entre l'anticorps et l'antigène) est cruciale pour la protection contre le VRS », explique au « Quotidien » le Dr Polack.

Les récepteurs Toll.

« Cette maturation d'affinité dépend de l'activation par les vaccins d'un groupe de récepteurs de l'immunité innée, connus sous le nom de Toll ».

« Par conséquent, en 1967, le vaccin anti-VRS inactivé par le formol a entraîné une maladie sérieuse et l'absence de protection des enfants parce que ce vaccin n'a pas stimulé les récepteurs Toll et, donc, les anticorps n'ont pas subi de maturation. Lorsque les enfants vaccinés mais dépourvus d'anticorps protecteurs ont rencontré ultérieurement l'infection VRS dans la communauté, leur système immunitaire qui présentait une mémoire du VRS (conférée par le vaccin) a réagi de manière excessive, ce qui a abouti à un taux d'hospitalisation de 80 %, ainsi que deux décès ».

« La principale implication est que pour développer des vaccins inoffensifs contre le VRS, l'agent de la bronchiolite, il faudra stimuler une maturation d'affinité des anticorps comme celle qui est suscitée par une infection avec un virus vivant. En d'autres termes, les vaccins non répliquant (virus tué) contre le VRS sont dangereux pour les nourrissons. »

« Cette étude répond également à une question non résolue depuis quarante ans, celle de savoir pourquoi aucun individu n'a développé à deux reprises une maladie exacerbée contre le VRS. Cette possibilité inquiétait sérieusement les scientifiques qui ont créé le vaccin en 1966. Il apparaît que lorsque le système immunitaire a subi une maturation d'affinité, ce qui est survenu lorsque les individus vaccinés ont été exposés pour la première fois dans la communauté au VRS vivant, le problème est alors corrigé, même si les individus ont développé une maladie sévère à l'occasion de cette primo-infection. »

« Nature Medicine », 14 décembre 2008, Delgado et coll., DOI : 10.1038/nm.1894.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8481