Bouger, manger mieux, cesser de fumer, la diffusion large de ces messages de prévention dans l’Hexagone depuis 2007 a-t-elle, dans les faits, un impact réel sur l’état de santé cardio-vasculaire de la population ? La réponse est oui, selon l’étude CARVAR 92, qui a estimé le risque cardio-vasculaire chaque année, entre 2007 et 2012, chez plus de 20 000 participants dans une même tranche d’âge, dans les Hauts-de-Seine.
« Ce n’était pas écrit d’avance, explique le Pr Olivier Dubourg, chef de service de cardiologie à l’hôpital Ambroise Paré et auteur principal de l’étude. Mais les effets escomptés par les campagnes de santé publique sont là. Comment expliquer autrement l’évolution favorable en prévention primaire ? » Depuis l’introduction des mesures sur le tabagisme et sur l’équilibre nutritionnel, le risque cardio-vasculaire a diminué significativement en valeur absolue en population générale, année après année. « C’est très encourageant, ce d’autant qu’il s’agit d’une population plutôt plus riche et avec un meilleur niveau d’éducation que la moyenne nationale », commente le cardiologue de Boulogne-Billancourt. Les efforts d’éducation pour la santé ont donc toutes les chances de se traduire, avec une magnitude d’effet au moins aussi grande, chez des sujets au statut socio-économique moins élevé.
Deux méthodes de calcul, un constat identique
« La population étudiée en 2012 présente moins de facteurs de risque qu’une population comparable en 2007, poursuit-il. L’hypertension artérielle (HTA) et le tabagisme ont diminué, en particulier chez les hommes. Et, le plus intéressant, c’est que cela se traduis au final sur le calcul du risque de maladie cardio-vasculaire à 10 ans et selon deux méthodes différentes, Framingham et SCORE (Systematic COronary Risk Evaluation). » Précision importante pour la validité épidémiologique, les courbes restent les mêmes, après sélection des patients non traités pour l’HTA, un diabète ou une dyslipidémie et après ajustement sur l’âge et le sexe.
À la fin de la période d’étude, en décembre 2012, plus 176 000 invitations à participer à l’étude avaient été envoyées, soit à 51 % de la population inscrite à la Sécurité Sociale qui remplissait les critères d’inclusion (n = 347396). Il s’agissait des hommes âgés de 40 à 65 ans et des femmes de 50 à 70 ans. « Le taux de participation était élevé, avec près de 30 350 questionnaires remplis, se réjouit le Pr Debourg. Et surtout, ils ont été plus de 20 000 à se rendre à la visite médicale du protocole. » Lors de ce rendez-vous, qui permettait de compléter les données, un bilan personnalisé des facteurs de risque dépistés était réalisé avec le concours d’un éducateur et d’un nutritionniste, et un rendu imprimé leur était remis en mains propres. « Les patients étaient invités à faire le point avec ce document chez leur médecin traitant, explique le cardiologue. Et ils y sont allés à plus de 80 % ! Seuls les patients les plus graves étaient orientés en hôpital de jour. On ne pouvait pas les laisser prendre le risque de ne pas aller consulter. »
Un protocole pilote d’éducation à la santé
Si le risque cardio-vasculaire estimé à 10 ans diminue dans les deux sexes, hommes et femmes ont des profils différents. « La diminution de l’HTA est significative chez tout le monde, précise-t-il. En revanche, alors que le diabète et le tabagisme ont baissé chez les hommes, les chiffres sont restés stables chez les femmes au cours des 6 années d’étude. »
L’équipe des Hauts-de Seine ne s’arrête pas là. « L’étude se prolonge et nous sommes en train de boucler l’analyse des données de 2013 et 2014 », explique le Pr Dubourg. L’étape ultime de CARVAR 92 est de faire un bilan à 10 ans pour vérifier les estimations réalisées, en les confrontant au « vrai » risque évalué par les chiffres de morbi-mortalité. En parallèle, l’équipe a le projet de reconvoquer les participants de CARVAR 92, et de mesurer les effets thérapeutiques du dispositif particulier mis en place sur leur niveau de risque cardio-vasculaire. « L’idée de départ de l’étude, qui a été montée avec le concours de la CPAM, était de rendre service à la population, conclut le Pr Dubourg. Tous les acteurs ont été très volontaires, les biologistes de ville en vérifiant en amont la qualité des prélèvements, les médecins de ville en renseignant sur le retour des patients au cabinet, et les municipalités qui en ont fait la promotion. »
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