L’EXAMEN DU PROJET de loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) à l’Assemblée nationale est à l’origine d’une brusque montée de tension au sein de l’UMP. Les débats autour du titre I de cette réforme, consacré à l’hôpital, ont parfois été houleux entre les parlementaires (Le Quotidien du 25 février). Les députés doivent faire face aux lobbies des viticulteurs et des grands groupes alimentaires qui s’opposent aux mesures visant à lutter contre l’obésité et la vente d’alcool au forfait. Des voix se sont élevées, jusque dans les rangs de la majorité, pour critiquer ouvertement certaines orientations du projet de loi à l’instar du Pr Bernard Debré. Le chef de service urologie de l’hôpital Cochin s’est ainsi fortement opposé à ce qu’à l’avenir, le directeur de l’hôpital obtienne les pleins pouvoirs au détriment des médecins. Cela a eu le don d’énerver au ministère de la Santé et à l’UMP. Dans un communiqué, le Pr Philippe Juvin, secrétaire national de l’UMP, s’en est pris très violemment au Pr Debré dénonçant « des propos caricaturaux » tenus sur la loi Bachelot. « Bernard Debré se trompe quand il dit que la loi Bachelot va réduire le pouvoir des médecins, dit-il. La vérité est que le n° 2 dans les hôpitaux sera désormais systématiquement un médecin. La loi Bachelot garantit que les médecins auront la majorité au directoire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les pouvoirs des chefs de pôle, eux-aussi médecins, seront renforcés. Que le Pr Debré arrête ses contre-vérités ou qu’il lise enfin les textes qu’il est amené à voter. Mais dans tous les cas, qu’il cesse de critiquer le projet de Bachelot au motif qu’il n’est toujours pas ministre de la Santé… » L’attaque n’est pas passée inaperçue.
« Qui est M. Juvin ? », a répliqué avec ironie le Pr Debré interrogé par le Quotidien. Le Pr Debré, qui n’a pas sa langue dans sa poche, déplore la « visée économique » du projet de loi, « pour que les hôpitaux ne perdent pas trop d’argent ». Il reconnaît que la ministre de la santé n’a « pas été très contente des amendements » qu’il a fait passer contre l’avis du gouvernement. L’un d’eux prévoit que la nomination des chefs de pôle des CHU ait lieu après avis conforme du président de CME et du doyen. Bernard Debré a toutefois retiré 21 autres amendements qu’il devait soutenir, pour obtenir le retrait des CHU de la loi HPST. « À la demande de la commission Marescaux et de l’Élysée », précise-t-il.
« Serrer les rangs ».
Les parlementaires UMP ont-ils une totale liberté de parole à l’occasion de l’examen de cette loi qui doit structurellement réorganiser le système de santé français ? Plusieurs députés que le Quotidien a interrogés ont reconnu avoir reçu la consigne de « serrer les rangs ». « On a reçu des consignes du groupe », dit l’un d’eux. L’affaire Debré est révélatrice des tensions qui agitent le parti majoritaire. « C’est normal que ça s’agite, c’est la vie du débat parlementaire et au sein du groupe, répond-t-on au ministère de la Santé. Ce texte déchaîne les passions. Un certain nombre de personnes sont concernées par ce projet de loi dont les médecins qui sont très fortement représentés à l’Assemblée nationale. Il y a parfois des exagérations lors des débats. On assiste à des alliances contre nature et de nombreux courants s’expriment mais n’oublions pas que ce texte résulte de plus d’une année de concertations. Les propositions ne sortent pas de nulle part ».
« Il est bon que les parlementaires de la majorité puissent amender les textes mais ne faisons pas de procès d’intention à cette réforme, lance Philippe Juvin. Il faut resserrer les rangs autour de Roselyne Bachelot qui a le courage de défendre cette loi ».
La reprise de l’examen du projet de loi la semaine prochaine et plus particulièrement le volet consacré à la démographie médicale devrait à nouveau agiter les travées du Palais Bourbon. Les députés de tous bords politiques veulent une meilleure répartition de l’offre de soins sur le territoire mais personne n’est pas d’accord sur la méthode à employer. La ministre de la Santé, comme Jean-Marie Rolland, rapporteur de la loi, se sont déclaré favorables à des mesures incitatives à l’installation : la mise en place d’une bourse de l'ordre de 1 200 euros par mois pour les étudiants qui finiraient leur formation dans une zone sous-dotée, le développement de stage de médecine générale pendant les études, la hausse du numerus clausus dans les zones où la densité médicale est la plus faible… À défaut de résultats d’ici trois ans, il reviendrait aux futures agences régionales de santé (ARS) de contractualiser avec les médecins.
Considérations locales et vision nationale
Mais beaucoup de parlementaires de l’UMP veulent aller plus loin. « La ministre de la Santé a proposé une approche minimaliste dans ce texte, commente l’un d’eux. On lui a dit que personne n’y croyait ». Ces députés veulent la mise en place de mesures contraignantes à l’installation des médecins parmi lesquels Jacques Domergue, Yves Bur et Philippe Vitel et Marc Le Fur. Un amendement signé par ces derniers et une quinzaine de collègues propose d’interdire les créations de cabinets médicaux dans les zones où les médecins sont déjà en nombre suffisant. La liberté d’installation serait toujours possible à la seule condition de remplacer un confrère. Dans les zones déficitaires reconnues comme telle par décision ministérielle, l’installation ne serait pas soumise à cette condition. « La démographie médicale est l’enjeu central de ce texte, ouvrons le débat, commente Marc Le Fur, député des Côtes d’Armor. Ne nous limitons pas à l’incantation, les mesures incitatives ont montré leurs limites ! » Même tonalité chez le Pr Jacques Domergue, député de l’Hérault : « La crcition pure ne marchera pas, l’incitation, c’est fini, il faut un système plus organisé depuis les études médicales jusqu’à l’installation. Il faut aussi s’occuper du problème des remplaçants, trouver un moyen d’inciter les jeunes, qui s’installent en moyenne à 39 ans, à se lancer dans la vie active ».
Selon le Pr Guy Vallancien, qui a travaillé de près à cette réforme, le débat est faussé par les considérations spécifiques locales des députés qui l’emportent sur une vision nationale d’une politique de santé : « Chacun veut son médecin dans sa campagne alors que l’on sait que c’est impossible. Cette réforme est pourtant indispensable ! »
« Cette loi comporte de très bons points, il faut qu’on arrive à la mettre en application car ne rien faire serait une catastrophe », lâche Jean-Pierre Door, député du Loiret.
La reprise des débats sur la démographie médicale à partir de la semaine prochaine s’annonce animée et riche en rebondissements. Le gouvernement pourrait être débordé par les intentions des parlementaires. « Le risque, commente l’un d’eux, c’est que l’arbitre de ce débat, ce soit la gauche ! »
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