Les édiles contraints de jouer les « agitateurs » et « emmerdeurs d'ARS »

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Publié le 03/02/2020
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Le Blanc, Creil, Thann, Die ou Guingamp, les exemples foisonnent de communes où, face à la menace de restructurations hospitalières, les habitants se mobilisent pour défendre un service ou un établissement. Rarement victorieux, ces combats sont très souvent portés par les maires qui, faisant le constat de leur impuissance statutaire, s'improvisent volontiers agitateurs publics.

Son poste de présidente du conseil de surveillance du centre hospitalier du Blanc (Indre), Annick Gombert n'y accorde aucune importance. « Il n'a aucun rôle », assène la maire de cette commune de 6 000 habitants. « C'est une chambre d'enregistrement des décisions de la direction », s'agace l'édile. Et ce d'autant plus depuis la fusion de son établissement avec l'hôpital de Châteauroux en 2015. Elle siège désormais sur « un strapontin ».

Alors quand elle a appris en juin 2018 la fermeture, d'abord provisoire, de la maternité du Blanc, Annick Gombert a haussé le ton. Avec le collectif de citoyens « C pas demain la veille », elle a multiplié les actions coup de poing pour tenter de faire plier l'agence régionale de santé (ARS) et mobiliser la population locale. Manifestations, pétitions, occupation de la maternité, journée d'action devant l'Assemblée nationale, rien n'y a fait. « La direction générale de l'ARS n'a jamais voulu nous écouter, on a l'impression que Bercy a déjà tout décidé », résume l'élue, amère. Même sa démission en octobre 2018 avec celle de 72 élus locaux du territoire aura été vaine. Plus encore que sa propre impuissance, Annick Gombert dénonce « le sentiment de mépris » des tutelles.

Pression populaire

Dans le Haut-Rhin, ce sentiment est partagé par Jeanne Stoltz-Nawrot, maire d'Husseren-Wesserling, petite commune de 1 000 habitants nichée au creux des Vosges. En 2015, au gré là aussi d'une fusion, elle a perdu (avec plusieurs autres maires de communes rurales proches) son siège au conseil de surveillance de l'hôpital Saint-Jacques de Thann. C'est par voie de presse qu'elle a appris le projet de fermeture de la maternité de cet établissement situé à 20 km de sa commune.

Pour la défendre, une seule solution : « la pression populaire ». « Il faut devenir agitateur public, emmerdeur d'ARS, casseur de pied de députés », liste avec humour l'édile alsacienne aussi cheffe de file de l'Association pour la renaissance des services hospitaliers thannois (REST). La fermeture de la maternité a pourtant été actée en novembre 2019 et Jeanne Stoltz-Nawrot garde cette décision en travers de la gorge. Selon elle, si les maires du territoire s'étaient mieux « fédérés », le combat aurait pu tourner en leur faveur. « Si les maires ont du mordant ou si collectivement ils s'organisent, ils auront du poids », veut croire l'élue. Elle en appelle à l'Association des maires de France (AMF), seul « groupe de pression efficace sur les ARS et le ministère ».

Pas si simple : en février 2019, le vice-président de l'AMF et maire de Vierzon (Cher) Nicolas Sansu a porté une résolution, soutenue par une trentaine d'élus, pour reprendre la main sur l'hôpital public. Malgré l'énergie déployée par le maire communiste, le message n'imprime pas pour peser politiquement. « À part se prostituer je ne sais pas ce qu'il faut faire », se désole Nicolas Sansu qui n'avait pas hésité à se faire « chef de guerre » en 2017 pour défendre sa maternité menacée de fermeture. L'édile peut aujourd'hui rassurer ses homologues, il a sauvé sa structure...

M.D.P.

Source : Le Quotidien du médecin